Jean-Pierre Chambon, Des lecteurs,
Éditions Harpo & , 2016.
Lecture d’Angèle Paoli
Pavé de signes pessinois
(Quatrième de couverture de Des lecteurs, Harpo &, 2016)
DES LECTEURS ET DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS QU’IL ME PLAÎT DE TENIR AUTOUR DE CE LIVRE
Quel petit bijou de livre que ce dernier opus de Jean-Pierre Chambon publié aux éditions Harpo & ! Couverture à double rabat en cartonnage entoilé de fort grammage : un quadrillage à tramage pointilliste estompé bleu cyan ou bleu céleste. Étoiles repères alignées en tête et en pied sur une titraille vineuse. Pavé de signes pessinois (pictogrammes) en quatrième de couverture.
L’ouvrage se présente comme un grimoire et invite à un lent décryptage, tout comme la mitraille de titres qui, ponctuant le texte courant non plus en pages de droite, mais en pages de gauche, infléchissent et/ou dévient le regard. Ici, aucune place pour le lecteur pressé. Tout se déplie tout se déploie dans le temps long d’une méditation qui se pose. Tout, jusque dans le titre du livre jusque dans les étoiles qui éclaboussent les pages, est un bonheur.
Cet opuscule met en scène les lecteurs de la bibliothèque de la Reine Zélia, dont les statuts et les noms conduisent le lecteur d’aujourd’hui dans l’univers du conte. Jean-Pierre Chambon est lui-même un admirable conteur, et les brèves proses et portraits qu’il offre dans Des lecteurs sont empreints d’une poésie qui transporte. Comment le poète parvient-il à « charmer » par ces micro-récits, néanmoins très aboutis ? C’est que le poète possède au plus haut degré de perfection cet art dont le lecteur hâtif du présent a perdu l’habitude, et qui ravit.
La bibliothèque portative de la Reine Zélia — son nom oriental évoque pour moi la Zélie des Lettres persanes, et plus loin encore la reine Zénobie de l’antique Palmyre — compte dans ses rayonnages des ouvrages précieux dont la rareté et l’importance excitent ou découragent les lecteurs (au nombre de 17) qui suivent son convoi. Cités en italiques, les titres des ouvrages figurent aussi dans le dernier cahier du livre et en composent une table des matières pour le moins originale.
Chacun des lecteurs itinérants de la suite de la Reine s’approprie l’ouvrage qui le touche de près. Ainsi du marmiton qui recherche en vain Le Grand livre des choses exquises ou les Recettes du pays d’ailleurs. Ou de la première écuyère qui se livre à des « lectures furtives » dont elle ressort ragaillardie. Ah, les délices qu’il y a à savourer Chevaucher une licorne, l’art et la méthode, ou Positions et galopades amoureuses avec un centaure !
Chacun poursuit ses chimères dans le silence des pages qu’il feuillette et le poète Jean-Pierre Chambon ne se lasse pas, au détour d’une expression convenue, de glisser quelque clin d’œil malicieux et de pirouetter avec les clichés qui pourraient venir à l’esprit !
Il y a cependant un ouvrage auquel je m’attendais et dont je n’ai pas trouvé trace. Le fameux Traité du transport amoureux. Sans doute la Reine Zélia le garde-t-elle jalousement dans quelque rayonnage dérobé de sa bibliothèque ? Ou alors l’ouvrage est-il décidément trop connu pour notre poète et celui-ci s’en est-il délibérément détourné ? Malice ou espièglerie encore de notre auteur, me plais-je une fois encore à imaginer.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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