[LA SCÈNE ET LE RIDEAU MEURENT LENTEMENT]
La scène et le rideau meurent lentement
(pourrai-je recommencer un jour ?)
Je compte sur ma peau douce
et mes seins encore fermes.
Cœur et cheveux au vent,
j’ai passé la journée à donner des baisers ;
trois de mes amants sont morts
— qui avaient juré de ne jamais me quitter.
De toute manière, hélas, je ne serai jamais
une grande aux yeux bleus ;
si je devais revenir par ici,
ce serait dans le corps — ou la carapace — d’une herbe.
Mais je suis encore là, rampant
dans cet espace confiné où j’étouffe ;
mâchant du chewing-gum, obstinée, j’attends l’heure
où, à défaut d’une porte, un volet au moins s’ouvrira.
Vous seuls connaissez le mot de passe,
arbrisseau, ruisseau, pavé, scarabée ;
poussez-vous un peu, faites-moi de la place
— que je reste avec vous, docile et résignée.
Mon beau soleil, réchauffe-moi :
de froides pluies m’ont trempée ;
communauté des herbes, fais-moi la grâce
de m’accepter en ton sein, comme l’une des tiennes.
Mais je n’ai pas trouvé les mots justes
pour qu’hommes et coquelicots me comprennent ;
au lieu d’épuiser mon souffle,
je mâcherai du chewing-gum jusqu’à ce que mon tour vienne.
Violette Krikorian in Avis de recherche Une anthologie de la poésie arménienne contemporaine, version bilingue, Éditions Parenthèses, Collection Diasporales, Marseille, 2006, page 195. Traduction de Nounée Abrahamian et de Stéphane Juranics. Anthologie dirigée et coordonnée par Stéphane Juranics et Olivia Alloyan.
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