Ph., G.AdC [LA MAISON, FROIDE ET VIDE] La maison, froide et vide, mais comme toujours chargée de vie. Le parquet qui grince. Les portes enflées d’humidité, jamais tout à fait fermées. J’allume le gaz sous une casserole d’eau gravée à tes initiales. Dans le buffet, à côté des tasses, un livre jauni. D’entre les pages s’échappe une photo de toi et moi sur ta vieille barque. Je porte un k-way bleu pâle. Mes cheveux s’envolent vers le ciel. Un seau rouge calé entre mes genoux pour les maquereaux. Tu as un bras passé autour de mes épaules et, de l’autre, tu fais un signe vers l’objectif avec ce sourire inimitable, celui qui relève un seul côté de ta moustache. Été 81 avec la môme, est noté au dos du papier Kodak. Je ferme les yeux et, me rappelle l’odeur âcre et douce de ton vieux pull marin. Mon front contre la vitre de la cuisine. J’appuie un peu, comme avec l’envie de passer de l’autre côté. Visiter l’envers du décor. D’ici, on ne voit pas la mer. On la devine seulement. Sur le visage flou de la buée, je dessine, du bout de la langue, un paysage à la frontière de ton monde et du mien. Marlène Tissot, Lame de fond, éditions La Boucherie littéraire, Collection Sur le billot, dirigée par Antoine Gallardo, 2016, pp. 50-51. |
MARLÈNE TISSOT Cadenet, 3 avril 2016 ■ Marlène Tissot sur Terres de femmes ▼ → L’art oublié du silence → L’envergure d’un insecte (extrait d’Un jour, j’ai pas dormi de la nuit) ■ Voir aussi ▼ → (mon nuage) le site officiel de Marlène Tissot → (sur Recours au Poème) une notice bio-bibliographique sur Marlène Tissot (+ 5 poèmes choisis) → (sur Terre à ciel) une page sur Marlène Tissot → le site des éditions la Boucherie littéraire → (sur Le frais regard) une note de lecture de Pierre Perrin sur Lame de fond → (sur La Cause Littéraire) une note de lecture de Thierry Radière sur Lame de fond |
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