Philippe Hélénon, « Tout est écrit dans le corps »
[DERRIÈRE LA GARDE-ROBE]
I
Derrière la garde-robe il y a une ville
à tiroirs
où personne n’habite
draps oreillers couvertures
dessus dessous
trousseau d’un fantôme
enfermé dans l’armoire
nappes et serviettes en abondance
brodées d’initiales énigmatiques
d’étonnants objets théâtraux
tout est écrit par le corps
sans que la main droite sache
ce que fait la main gauche
le linge immaculé raconte
des histoires cryptées
près de la flamme
les taches deviennent visibles
on voit la trace de la machinerie
les effets spéciaux
la scène sombre du balcon
les aveux des amoureux
les hésitations des comédiens
les soupirs des jeunes poètes
les traces de l’amour et de la haine
l’oubli n’a rien effacé
je respire dans les draps
un parfum de falaise
je vois les vagues se briser
dans les criques et les anses muettes
je caresse en toute liberté
la peau sensuelle de l’oubli
ses secrets dégagent
une odeur de mousse
grotte
lumière et vide
les mystères des genoux
le coin de la chambre où le soleil
cache ses bijoux
le soleil
je respire la nudité de l’oubli
son odeur monte à mes narines
et
il
m’est
délectable
le linge danse à la fenêtre
l’armoire danse avec le vent
j’écrase sur le mur
le minuscule corps du délit
où se cache le temps
Luis Mizón, Corps du délit où se cache le temps, Éditions Æncrages & Co, Collection « voix de chants », 2014, s.f. Dessins de Philippe Hélénon.
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