[TOUT EST MATIÈRE, SAUF MA DÉCISION] Tout est matière, sauf ma décision. Là où les arbres ne sortent pas de terre, où les déchirures du sol ont l’éternité pour se refermer, c’est là qu’il faut mourir, en plein ciel, croisant un hasard d’une sorte rare, dépouillé, presque bienveillant d’avoir revêtu un sens, pendant un instant. Tu as titubé tes derniers pas dans l’ornière du chemin imprévisible, puis sur l’herbe, contre une pierre. La vie s’oublie. C’est sans commune mesure avec le pas de l’Olan, si large qu’il n’est pas encore achevé. Son nom le dit, Olan, qui enjambe. T’es-tu souvenu de tes premiers pas, et de celle qui t’a reçu dans ses bras ? As-tu ouvert un peu les tiens Pour demander que l’air te retienne ? Je viens cette année encore, sur l’Olan, réviser la leçon de mort, m’attabler pour manger à quelques mètres de ta chute, revoir ce soleil particulier qui effraie les ombres, revoir cette montagne aux aisselles de neige. Le bel aujourd’hui que voilà, avec son silence d’espace-temps. Certaines pierres du chemin ont été usées par nos pas ; je voudrais prendre dans mes bras l’enfant que tu étais resté. Les lieux les plus sacrés sont habités par les morts et les vivants, ombres confondues. Emmanuel Merle, Olan in Olan, suivi de Dédale et Icare et Houillère, Gros Textes, 05380 Châteauroux-les-Alpes, 2014, pp. 24-25-26. Couverture et illustrations de l’auteur. |
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