HER KIND
I have gone out, a possessed witch,
haunting the black air, braver at night;
dreaming evil, I have done my hitch
over the plain houses, light by light:
lonely thing, twelve fingered, out of mind.
A woman like that is not a woman, quite.
I have been her kind.
I have found the warm caves in the woods,
filled them with skillets, carvings, shelves,
closets, silks, innumerable goods;
fixed the suppers for the worms and the elves:
whining, rearranging the disaligned.
A woman like that is misunderstood.
I have been her kind.
I have ridden in your cart, driver,
waved my nude arms at villages going by,
learning the last bright routes, survivor
where your flames still bite my thigh
and my ribs crack where your wheels wind.
A woman like that is not ashamed to die.
I have been her kind.
Anne Sexton, To Bedlam and Part Way Back (Boston: Houghton, Mifflin, 1960), in The Complete Poems, Boston: Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books edition, 1999, pp. 15-16.
SA SEMBLABLE
Je suis sortie, sorcière possédée,
qui hante l’air obscur, plus vaillante la nuit ;
rêvant du mal, j’ai fait ma tournée
au-dessus des maisons ordinaires, de lumière en lumière :
pauvre créature solitaire, à douze doigts, affolée.
Une femme comme cela n’est pas une femme, pas tout à fait.
J’ai été sa semblable.
[traduction en français de Patricia Godi-Tkatchouk]
J’ai trouvé dans les bois des cavernes bien au chaud,
je les ai remplies de poêlons, de statuettes, de rayonnages,
de placards, de soieries, de tout un bric-à-brac ;
j’ai mitonné les brouets pour les vers et les elfes ;
geignant, remettant de l’ordre dans le désordre.
Une femme comme cela est incomprise.
J’ai été sa semblable.
J’ai été trimballée dans ta charrette, cocher
j’ai salué de mes bras nus les villages à rebours,
retenant les derniers trajets éclairés, survivante
là où tes flammes mordent encore ma cuisse
et mes côtes craquent où s’enfoncent tes roues.
Une femme comme cela n’a pas honte de mourir.
J’ai été sa semblable.
_______________________________________NOTE : « Dans ce poème central de son premier recueil, Anne Sexton retourne à la figure ancestrale de la sorcière, figure d’un savoir occulte et de la sagesse, figure de la conteuse, comme le rappelle Suzanne Juhasz dans Naked and Fiery Forms: Modern American Poetry by Women, dans le chapitre qu’elle consacre à l’œuvre d’Anne Sexton, et, cependant, également symbole des persécutions qui ont marqué l’histoire des Etats-Unis, de la « chasse aux sorcières » de l’Amérique coloniale puritaine, puis de celle des années cinquante et du « maccarthysme » et, plus généralement, figure de l’autre femme, celle qui ne plie pas aux attentes de la société, l’intellectuelle, l’artiste, la célibataire, celle qui ne fut ni mariée, ni mère. Pourrait-on dire qu’avec « Her Kind », Anne Sexton prend le contrepied de l’image traditionnelle de la femme, celle de « l’ange du foyer », dont toute femme qui veut accomplir sa vocation d’écrivain doit s’émanciper ? Dans ce poème, par le biais du symbole, en donnant libre cours à un imaginaire marqué par l’audace et un désir éperdu de liberté, Anne Sexton écrit du point de vue d’un sujet à l’étroit dans les définitions réductrices de la féminité imposées par la société américaine conservatrice de son époque. Sa poésie représente le mal de vivre et l’incapacité pour le sujet féminin de jouer les rôles traditionnellement dévolus aux femmes. De manière répétée, la poésie d’Anne Sexton rend compte de la difficulté, de l’impossibilité d’exister selon les critères de l’idéologie de la féminité véhiculée par la culture patriarcale, qu’il s’agisse des textes qui abordent le thème du mariage ou celui de la maternité. » (Patricia Godi)
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