Ghislaine Amon & Jean-Louis Giovannoni l’année de la publication du Petit Vélo beige Source [NE PARLE PAS, NE DIS RIEN] Ne parle pas, ne dis rien, il reste par terre les morceaux de ma poupée en porcelaine et l’œil de maman qui saigne. Tu ne sais plus quoi faire. Pauvre petit frère. Tu me prends par la main pour que je ne regarde pas. Tu m’emportes sur la voie ferrée sous le pont où certains ont écrit « Kroutchev assassin » ! Il fait nuit et tu ne sais pas s’il sera possible de rentrer. Dans la chambre le petit recroquevillé dans son lit se fait tirer par une voiture à pédale derrière le vélo de la Ghislaine. Cette enfante perdue fait le cochon pendu dans un square loin de la maison. Attendre le moment pour renverser le petit sur le gravier. Mais chaque fois c’est moi qui tombe et qui n’arrive pas à me relever dans les sous-sols du HLM pendant que « les jeunes voyous » me tâtent les seins. J’ai beau tirer derrière moi, le landau, le grand landau avec toutes les poupées du monde à l’intérieur, je n’ai pas encore accouché mon petit frère, sinon, à demi, lors de soirées courtes, espace de se caresser sans y prendre garde. Mais lorsque tu poses ta tête contre la mienne, petit, il y a des bruits que l’on n’arrive pas à saisir. Ils remontent par les tuyaux des sanitaires, j’entends l’eau qui coule dans l’évier et les voisins qui crient. Ghislaine Amon, Le Petit Vélo beige, Éditions de l’Athanor, Collection Jean-Luc Maxence, 1977, pp. 31-32.
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