[L’ÉCRITURE S’ÉTIOLE]
L’écriture s’étiole au fur et à mesure que je retrouve une stabilité réconfortante. Je ne sais plus désormais si mon chemin de vie tracera son sillon poétique, comme je le souhaitais auparavant. Où trouver la puissance des mots ? Les murs se sont éloignés. La suie a glissé le long des briques, le savon a nettoyé mon visage et mes mains. Deviendrais-je lisse au point de ne plus éprouver la nécessité d’écrire ? J’ai défait mes nœuds, je ne sais plus sur quel caillou buter, quel puits creuser à la recherche d’une improbable source. Je suis une outre crevée d’où l’eau s’est échappée, s’écoulant en rigoles le long des mottes de terre. Dans le dix-neuvième arrondissement de Paris, j’ai marché le long du canal de l’Ourcq. La diversité des gens que je croisais, la vie qui émergeait de ce métissage, ce tissu de vies entremêlées, m’ont fait goûter une saveur nouvelle, me régénérant de perceptions inconnues. J’ai réalisé mon éloignement, mon confinement dans un univers surprotégé qui ne se mélange pas aux autres. Comment, dans ces conditions, appréhender la réalité, à plus forte raison la réalité sociale ? La bulle est toujours présente, merveilleusement teintée de reflets scintillants. La vitre a fondu, elle s’est mêlée au fleuve que je longe, j’ai oublié qu’une cloison me sépare des autres.
Valérie Canat de Chizy, Pieuvre, Jacques André Editeur, Collection In Arcadia, 2011, pp. 94-95.
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