Dans la cuisine l’aïeule et la petite sont assises l’une près de l’autre. Des cahiers, des lettres éparpillées sur la table. La voix parle et chante À L’OMBRE DU FIGUIER Peut-être est-ce à l’ombre de cette voix que je m’appuie pour ramasser les mots, mes mots Ils viennent, ils s’effacent, ils viennent, ils s’effacent Dans un trou de terre, un alphabet s’est arrêté, depuis longtemps ne tinte plus la langue grand maternelle qui a rempli mes poches d’enfant de soleil et de sécheresse de ronces et de fleurs, de cailloux et de rivières Appuyée à son ombre, je sarcle, élague, jette Un peu rouillé le râteau Entre le thym et le romarin, se promènent les limaces Le mistral étripe les herbes Mais s’étire le figuier jusqu’à mon jardin Je ne sais rien de ce qui s’entremêle sous la terre, de ce qui par hasard pousse ou meurt, ni de ce qui traverse de bout en bout l’hiver Si je vomis la boue et la poussière, vais-je régler son compte au chiendent et à l’ortie ? Les sarments rouges de l’aïeule en moi font étincelles Pour les recevoir je me tais. Jacqueline Persini-Panorias, Tard je t’ai reconnue, Éditions Aspect, Nancy, 2011, page 54. |
JACQUELINE PERSINI-PANORIAS ■ Voir aussi ▼ → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jacqueline Persini-Panorias |
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