Dans la nuit du 4 au 5 août 1962 meurt à Los Angeles Marilyn Monroe, à l’âge de trente-six ans.
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UNE MORT ÉNIGMATIQUE
(extrait de Marilyn Monroe, la cicatrice, de Claude Delay)
Appartenir… S’appartenir fut le rêve de sa vie. Elle brûlait d’exister. Désormais elle appartient à la seule légende. Son ressentiment, devant l’épreuve de la rupture avec le Président, rupture muette, enlacée à ce téléphone dont elle reste la Danaïde, ne peut être absorbé par ses calmants. Il la meut tout entière, en ce calendrier fatal.
La veille
Le matin du vendredi 3 août, la veille de sa mort, Marilyn se rendit à la pépinière de Santa Monica, la Frank’s Nursery, y acheter des bulbes et des plantes pour son jardin. Après sa visite de routine à son médecin et à son psychiatre, elle choisit à la Briggs Delicatessen nourriture et alcools, puis passa commande au propriétaire de La Scala, un Français qui la connaissait bien et vint lui-même la livrer. Ce Jean Léon s’était élevé du rang de serveur Villa Capri à celui de propriétaire d’un établissement réputé.
Elle réveilla dès l’aube, le lendemain, Jeanne Carmen qui dormait dans son appartement de Doheny. Marilyn se plaignit de coups de téléphone anonymes, par une voix de femme, qu’elle reconnaissait sans pouvoir la nommer : « Laisse Bobby tranquille, espèce de traînée… » Elle voulait que son amie la rejoigne, munie de cachets. Et de promettre « on va boire un peu de vin ». Mais c’était l’anniversaire de Jeanne Carmen, elle déclina. Dans son courrier Jeanne Carmen trouva la rituelle carte de Marilyn, qui n’oubliait jamais un anniversaire.
Elle proposa à son masseur, Ralph Roberts, de partager avec elle son repas dans le patio, sans en être encore sûre.
On lui fit savoir qu’elle ne verrait pas Robert Kennedy dans la soirée.
Assez déprimée et encore éprouvée par sa nuit épouvantable, elle appela vers le milieu de l’après-midi le Dr. Greenson qui se rendit chez elle. À dix-huit heures trente, Ralph Roberts téléphona comme prévu : devait-il venir dîner ? Le Dr. Greenson lui répondit sèchement que Marilyn était sortie… Avant de prendre congé, il pria Eunice Murray pour plus de sécurité, de passer la nuit sur place.
Robert Kennedy s’annonce. Ou plutôt est annoncé. Leurs retrouvailles furent tumultueuses. Les bandes magnétiques trahissent une colère effroyable, tandis qu’il cherche en vain. Quoi ? Le carnet rouge de Marilyn ? « Mais où sont-ils, où sont-ils ? » Les micros enregistreurs transmettent sa quête exaspérée et inutile, et les bleus inquiétants sur le corps de Marilyn laissent à penser qu’il l’a passée à tabac.
Il redoutait ce qu’elle s’apprêtait à révéler sur le traitement infâme qu’il lui avait infligé. Les enregistrements témoignent de l’explosion de colère qui secoue Marilyn : « J’ai l’impression d’être avariée, comme un morceau de viande. Tu m’as menti. Va-t’en. Je suis fatiguée, laisse-moi tranquille. »
Elle était prête à tout, après avoir été indignement traitée par le Président. Sa ligne à la Maison Blanche n’avait-elle pas été condamnée sans un mot d’explication ? Après son anniversaire glorieux qu’elle était venue souhaiter à son amant, contre vents et marées, il ne lui avait même pas souhaité le sien, resté celui de Norma Jane. Son carnet rouge, incendiaire, avec les secrets d’État, la tentative d’invasion militaire de la Baie des Cochons et le reste, allaient déferler sur l’opinion publique. Elle voulait prendre la parole, enfin. Révéler à l’Amérique ce qu’elle ignorait de ses propres dirigeants.
Le lendemain matin, au ranch Bates, Robert Kennedy en bon catholique, époux et père se rendit à l’église avec sa famille, en l’église Sainte Mary. Marilyn n’était plus.
Dans le chaos des mensonges, une note datant de la nuit où mourut Marilyn, établissait qu’un hélicoptère avait été loué sur le principal aéroport de Los Angeles.
Son dernier appel pour tenter de joindre Peter Lawford, le fit-il se porter au secours de Marilyn, accompagné de Robert Kennedy ? Les deux hommes auraient été arrêtés lors d’un banal contrôle de police, pour excès de vitesse, quand ils filaient vers l’aéroport justement, en pleine nuit. La chemise de Robert Kennedy, hagard, était déchirée. Ils étaient escortés par le Dr. Greenson, appelé à des horaires qui ne correspondent pas avec les déclarations de Mrs. Murray, surprise plus tard en pleine nuit en train de laver les draps de Marilyn. Pourquoi donc ce zèle nocturne ? L’explication se trouve peut-être dans la réflexion de Lawford rapportée par son ancienne épouse : « On lui a administré son dernier grand lavement »…
Toujours est-il que la thèse du suicide par overdose reste suspecte : on ne décèlera aucun vestige de capsules dans l’estomac, vide, de Marilyn. En outre, il n’y avait ni eau, ni verre, près d’elle. Seulement son téléphone, qui était décroché. La dernière trahison. Mais un objet n’est pas un témoin.
Claude Delay, Marilyn Monroe, la cicatrice, Éditions Fayard, 2013, pp. 313-314-315.
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