[ON A TIRÉ LE POÈTE DE SON RECUEIL DANS LE BUT D’UNE AUTOPSIE]
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On a tiré le poète de son recueil dans le but d’une autopsie
Scolaire
Devant les élèves
On a tiré le poète assassiné de sa tombe dans le but
D’une autopsie médicale
Devant les héritiers
On a tiré le poète de sa tombe dans le but d’une autopsie
Idéologique
Au Parlement
Le Ministère en chef s’est chargé
De fouiller dans son recueil
Pour édifier l’hymne national
On a tiré le poète de sa tombe
Sur ordre du Ministère du tourisme
On a installé une statue à son effigie au cœur de la place centrale
Pour réaliser des images d’Épinal
Le commerce des roses a fleuri en son nom
On a construit un jardin et une librairie autour de son tombeau
Aussi les lecteurs et les amoureux ont-ils proféré
On a tiré la tête du poète
On l’a agrandie mille fois
On a placé la statue sur le faîte de la montagne pour que
Tout le monde puisse la voir
2
Les héritiers ont découvert que l’activité du poète s’est intensifiée
Après sa mort
Les enfants ne se sentaient plus orphelins
Leur père est devenu vivant à sa mort
Ils ont pitié pour lui tant il besogne dur
Les chefs des partis les ont réconfortés :
« Votre père n’est pas mort parce qu’il est vivant dans l’hymne national »
L’épouse du poète
A été convaincue :
« Vous êtes la veuve du peuple »
La télévision gouvernementale n’avait de cesse de
Diffuser sa larme agrandie
Qui se confondait avec l’image du poète
Claire dans sa propre larme
Dans son impossible agonie
Et dans le souvenir du départ.
Moncef Mezghanni, « Tombeau du poète de la nation » in Le Merle de la ville captive, édition bilingue, Éditions Fédérop, Collection Paul Froment, 2014, pp. 85-87. Poèmes traduits de l’arabe (Tunisie) et présentés par Aymen Hacen.
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