[GALOPE LE PRINTEMPS]
galope le printemps dans les chants des oiseaux et puis la pluie plus loin plus tard, les lumières du vaisseau — celui-ci n’est pas en avarie au large de l’île de Sein, plus personne non plus ne vit du goémon, du varech, de la soude sur l’île de Béniguet — du vaisseau immobile, les ralingues des loisirs et du café gourmand les voilures des trois-mâts, c’est aussi sous la voûte bleutée qui fait à la mère couchée les yeux plus profonds ou plus expressifs, si dans le noir je pleure de mes mains sales défais ton pyjama vert-de-gris la toiture de la mairie trop lourde où je ne signe rien d’autre que les œufs mouchetés de la pie dans ce nid accueillant de ta peau qui me grandit qui m’allonge toi au-dessus
Lou Raoul, Traverses, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2014, page 31.
PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE PAR L’ÉDITEUR
Avec Traverses, Lou Raoul tisse et détisse la rencontre — aval / amont, son présent, son échec —, dans un débit presque abrupt où les phrases sont laissées comme en suspens, où la ponctuation est quasi inexistante, dans un timbre très particulier, à la fois rapide et lent, lancinant, à la fois neutre et violent.
« du pont de vue de je saute à cloche-pied » : ainsi commence le livre. La rencontre, l’altérité, est espérée, redoutée (« chamboulis de ma vie »), dans le ventre, sur la peau aussi bien que par les yeux, à sentir et observer le monde aux côtés de l’homme (le corps est là dans l’amour, « charpente » bien réelle). Puis « elle » reprend la place de « je », et le « bla-bla » se répète : « la vie d’elle au dos de travers se grippe la vie d’elle s’immobilise ».
Pour finir, des comptines presque cruelles, cyniques, ponctuent sur un tout autre ton le recueil, en quelques lignes brossent le portrait de la femme à laquelle il est fait injonction de ressembler : tour à tour putain, épouse…, ou compagne effacée. « Sur le trottoir » restent les traces de ces commandements. Comme si se jouait dans la rencontre l’assignation d’une femme (de toutes les femmes ?) à un rôle — déjà là, déjà bien défini — qu’elle n’a pas choisi. |
LOU RAOUL
Ph. ©Lou Raoul
Lou Raoul vit en Bretagne où elle est née en 1964. Depuis 2008, elle publie dans diverses revues (Verso, Décharge, N4728, Liqueur 44…). Outre trois autres recueils publiés aux éditons Isabelle Sauvage, Les jours où Else (2011), Else avec elle (2012. Prix PoésYvelines 2013), Otok (2017), ont aussi paru Roche Jagu/Roc’h Ugu (Encres vives, 2010), Ouvert l’album (avec des photographies de Francis Goeller, 2011), Sven (éditions Gros Textes, 2011), Else comme absentée (éditions Henry, 2011), ainsi que Exsangue (pré#carré éditeur, 2012). Son travail d’écriture, qui oscille entre prose narrative et poésie, se retrouve aussi dans les chantiers qu’elle mène en spectacle vivant et en arts plastiques.
■ Lou Raoul
sur Terres de femmes ▼
→ [dans les maisons détruites abandonnées] (extrait d’Otok)
■ Voir aussi ▼
→ (sur Ce qui reste) d’autres extraits du recueil Traverses
→ (sur Terre à ciel) une page sur Lou Raoul
→ (sur remue.net) une recension de Else avec elle de Lou Raoul par Jacques Josse
→ ( friches et appentis) le blog de Lou Raoul
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