Kazimir Severinovitch Malevitch,
A Soldier Of The Guards, 1913
Huile sur toile, 57 x 66,5 cm
Amsterdam, Stedelijk Museum
[LES SOLDATS SONT VENUS]
Les soldats sont venus
parfois par les prairies
parfois par les sentiers
ils sont arrivés dans les villes
ils y amènent la campagne
puis ils partent au front
il faut s’habituer à leur mort géante
les soldats chantent avec les oiseaux
ils reviennent d’anciens printemps
puis arrive la splendeur,
les résistants parmi les arbres, avec les arbres,
ce sont des hommes
dont les mains sont couvertes de bourgeons
on passe des tracts sous les portes
c’est le passage de la nuit étoilée
la grand’mère reste immobile devant son bol de lait
elle dit « c’est un beau paysage »
puis elle tisonne le feu
on entend les crépitements
elle dit « la mort est blanche »
à la fin elle rêve ; elle allume sa bougie
« C’est pour éclairer la barque »
dans les poèmes il y a des vallées
où lapins et perdreaux se cachent
parfois la charrue s’arrête
— alors le paysan détèle son cheval blanc
et ils s’en vont tous deux dans le poème
[…]
Pierre Garnier, L’Immaculée Conception (Litanie), édition bilingue français/allemand, collection « Sources », Éditions En forêt/Verlag im Wald, 2001, pp. 60-62.
|
Retour au répertoire du numéro de février 2014
Retour à l’ index des auteurs
Cela commence comme une marche, avec les pas lourds dans la terre et dans la boue et dans le sang. Pas de femmes dans les tranchées où tombent les hommes où meurent les hommes loin des femmes loin de l'amour des femmes dans la terre et dans la boue rouge de sang.
Mais voilà que l'homme hèle avec lui tous les oiseaux et leurs chants et leurs plumes et voilà que les oiseaux hèlent les branches et les bourgeons et les arbres.
Et voilà que les ailes hèlent la femme la mère et puis l'épouse et puis l'amour et puis l'enfant et puis la plume la plume de l'enfant qui hèle les mots pour raconter la terre la terre et les oiseaux les oiseaux et les arbres les arbres et les croix les croix et la mort la mort et les soldats les soldats sans oiseaux sans arbres et sans amour.
C'est tous ces mots pour moi ce grand poète tous ces mots de la terre tous ces mots de l'amour tous ces mots de la mort... merci Pierre Garnier
Rédigé par : Christiane | 01 février 2014 à 23:26