Cy Twombly, Second Voyage en Italie (La Chute d’Hypérion), 1962 Huile, pastel et crayon sur toile, 264 x 300 cm Roma, Galleria nazionale d’arte moderna Source IPERIONE, LA CADUTA nulla può crescere e può così perdutamente dissolversi come l’uomo (F. HÖLDERLIN, Iperione) Coro 1 tutto stava su di lei e lei sosteneva tutto quel peso e il peso erano i suoi figli creature che non erano ancora venute al mondo lei stava lì sotto e dentro questa pena l’attraversava ancora quando venne meno qualcosa le acque la accolsero e quando si avvicinò alla costa della piccola isola, tutti portava nel suo grembo Coro 2 c’è una notte arcaica in ognuno di noi una notte dalla quale veniamo una notte piena di stupore quella perduta identità dei feriti si popola di volti, quell’abbraccio mortale in un tempo sospeso tra mente e cuore mai la notte fu così stellata gettati in mare ingoiarono acqua e pietre, e strisciarono sulla sabbia e furono in totale discordia ebbero passi pesanti e sparirono, sottoterra il cenno si dissolve da sé cade il fragile umano frutto effimero, del mortale Coro 3 nella cintura d’acqua fluttuava immenso l’indistinto inattuato attaccava la nebbia melmosa, non era ancora luce ma notte continua, durava in quello spazio la non luce si volse la notte si volse bisognosa a noi che aprimmo lo sguardo alla forma sollevata solo questo gesto che vede qualcosa si schiarisce illumina e avvicina nell’istante posato negli occhi che egli chiude Coro 4 si comportava da colosso come se dovesse stringersi inghiottito dal nero della pietra sul confine piantava bastoni inestirpabili ci sorpresero le lunghe impronte rifugio di mole e di potenza fissate lastre di pietra il volto nostro sovrastò la figura altissima, negli occhi si schiuse la forma inguainata con braccia e gambe saldate contro il corpo lo sguardo nostro entrò in quel suo essere infinitamente mortale Coro 5 la luce si disperdeva, cadeva la massa corporea appoggiato alla densità della goccia egli era là nel suo confine il mutamento fu uno svanire arbitrario dal fondo del vento sprigionava trascinando fuori da sé qualcosa che lentamente appare così in esso ciò che ripetutamente arriva entra nel suo sguardo nel sollevarsi contro la nebulosa divenne la brezza distesa sull’acqua a lei si infranse perdutamente alla nettezza di lei che si apriva davanti a lei si lasciò cadere, infine Iperione Coro 6 abbiamo perso tutto caduti in un eterno frammento la prima luce su noi infuocata ha bruciato tutto la prima creatura di umana bellezza è morta, ignota a se stessa i popoli appartengono alla città che li ama privi di questo amore ogni stato scheletrisce e annera la natura imperfetta non sopporta il dolore IL CONFINE Appariva gradualmente scendendo dai ripiani delle scale. Una parte di lei era visibilmente sommersa. La città nuova costruita sulla vecchia dentro l’acqua si rifrangeva, lasciando cadere su di sé l’immagine sfigurata dell’altra. La guardai morente e mutata… se ne andava, ma dove ? Quando mi voltai mi venne di fronte nel suo biancore una divinità decapitata. Dalla roccia il giovane indicava il confine delle’orizzonte terreno, il limite a cui pian piano approdavamo, gonfi di mare. Luigia Sorrentino, Olimpia, Interlinea edizioni, Novara, 2013, pp. 55-63.
Il n’est rien qui puisse grandir, rien qui puisse aussi irrémédiablement disparaître comme l’homme (F. HÖLDERLIN, Hypérion) Chœur 1 tout reposait sur elle et c’est elle qui supportait tout ce poids et ce poids c’était ses enfants des créatures qui n’étaient pas encore venues au monde elle se tenait là dessous et dedans ce tourment la traversait encore quand quelque chose vint à s’évanouir les eaux l’accueillirent et lorsqu’elle s’approcha du rivage de la petite île, elle les portait tous dans son giron Chœur 2 en chacun de nous demeure une nuit archaïque une nuit d’où nous venons une nuit pleine de stupeur cette identité perdue des blessés se peuple de visages, cette étreinte mortelle en un temps suspendu entre cœur et esprit jamais la nuit ne fut si étoilée jetés à la mer ils ingurgitèrent eau et pierres, et rampèrent sur la grève et furent en totale discorde leurs pas étaient lourds et ils disparurent, sous terre le signe se dissout tombe de lui-même le fruit humain fragile et éphémère, du mortel Chœur 3 dans la ceinture d’eau l’indistinct flottait, immense inabouti il se fondait à la brume fangeuse, il ne faisait pas encore jour mais une nuit inachevée, se prolongeait dans cet espace la non-lumière se tourna la nuit se tourna besogneuse pour nous qui ouvrîmes les yeux sur la forme en suspens seul ce geste qui voit quelque chose se met à briller illumine et avoisine dans l’instant posé dans les yeux qu’il ferme Chœur 4 il se comportait en colosse comme s’il eut dû se rapetisser englouti par le noir de la pierre sur le seuil il plantait des bâtons indéracinables nous surprirent les longues empreintes refuge de poids et de puissance fixées dalles de pierre la figure dépassa notre visage, très haute, dans nos yeux s’entrouvrit la forme engainée bras et jambes soudés au corps notre regard pénétra son être infiniment mortel Chœur 5 la lumière se dispersait, chutait la masse corporelle appuyée à la densité de la goutte il se tenait là sur le seuil le changement fut un évanouissement arbitraire du fond du vent se dégageait traînant hors de lui quelque chose qui lentement apparut ainsi en lui ce qui ne cesse d’arriver entre dans son regard en se soulevant contre la nébuleuse il devint la brise étendue sur l’eau éperdu il se brisa contre elle contre la pureté de celle qui s’ouvrait devant elle il se laissa tomber, enfin Hypérion Chœur 6 tombés dans un éternel fragment nous avons tout perdu la première lumière sur nous embrasée a tout brûlé la toute première créature à l'humaine beauté est morte, sans qu'elle le sût elle-même les peuples appartiennent à la ville qui les aime privé de cet amour chacun devient noir squelette la nature imparfaite ne supporte pas la douleur LA FRONTIÈRE Elle apparaissait descendant pas à pas les marches d’escaliers. Une partie d’elle était visiblement submergée. La ville nouvelle édifiée sur l’ancienne se réfléchissait dans l’eau, laissant tomber sur elle l’image déformée de l’autre. Je la regardai mourante et mouvante… elle s’en allait, mais où ? Quand je me retournai me fit face dans toute sa blancheur une divinité décapitée. Depuis son rocher le jeune homme pointait la ligne d’horizon de la terre, les confins auxquels nous abordions tout doucement, gonflés de mer. Traduction inédite d’Angèle Paoli, février 2014 D.R. Texte angèlepaoli _______________________________________ NOTE d’AP : depuis la mise en ligne de cette note, Olimpia de Luigia Sorrentino a fait l’objet d’une édition numérique bilingue (italien/français) : édité en décembre 2014 par Recours au poème éditeurs, ce recueil n’est plus disponible. Olympia a été réédité en version bilingue en 2019 par les éditions Al Manar. Dessins de Giulia Napoleone. Traduction française d'Angèle Paoli. |
LUIGIA SORRENTINO Source Originaire de Naples, Luigia Sorrentino est poète et journaliste. Son métier de journaliste la conduit à réaliser des interviews de personnalités aussi éminentes que les Prix Nobel Orhan Pamuk, Derek Walcott et Seamus Heaney. Productrice de programmes culturels radiophoniques, elle anime sur Rai Radio Uno l’émission Notti d’autore, « viaggio nella vita e nelle opere dei protagonisti del nostro tempo ». Poète, elle a publié plusieurs recueils de poésie : C’è un padre (Manni, Lecce, 2003) ; La cattedrale (Il ragazzo innocuo, Milano, 2008) ; L’asse del cuore (in Almanacco dello specchio, Mondadori, Milano, 2008) ; La nascita, solo la nascita (Manni, Lecce, 2009) ; Inizio e Fine, Cahiers de La Collana, Stampa, 2009 ; Varese, 2016 (trad. fr. par Joëlle Gardes, éditions Al Manar, 2018) ; Figure de l’eau | Figura d’acqua, éditions Al Manar, 2017 (traduit en français par Angèle Paoli). En août 2013 a paru aux éditions Interlinea de Novare, le recueil poétique Olimpia, préfacé par Milo De Angelis et postfacé par Mario Benedetti. Dans la préface de l’ouvrage, Milo De Angelis souligne l’importance de ce recueil qui touche à l’essentiel, « aborde en profondeur les grandes questions de l’origine et de la mort, de l’humain et du sacré, de notre rencontre avec les millénaires. » De la poète Luigia Sorrentino, il souligne le regard visionnaire : un « regard ample, prospectif, à vol d’aigle. » Mais aussi ses « immersions imprévues dans la flamme du vers. » Dans ce parcours initiatique qu’est le « livre orphique » Olimpia — de la grotte de la naissance jusqu’à la pleine exposition de soi dans les forces telluriques —, le lecteur est confronté à une perte irrémédiable : celle de la condition humaine. Cette quête conduit à travers un hors-temps et un hors-espace à la recherche « d’époques de notre vie ». La rencontre se fait dans une Grèce — Olympie — démesurée qui, dans les pages du recueil, ressurgit « vivante, intérieure, palpitante ». D’autres rencontres ont aussi lieu : « avec les ombres des corps que nous avons aimés ; puis, parmi les ombres, […] avec nous-mêmes ». Il importe alors « d’assumer [son] nouveau visage : celui du souffle, de la voix, du vent, des cigales, des rochers, des oliviers ». Ainsi, en dépit du fait que tout est désormais accompli, au milieu de notre existence dépouillée, « s’élève un cri d’éternité et d’amour ». Comme le souligne Milo De Angelis, « Olimpia parvient à exprimer ce temps absolu, et le fait de manière admirable », avec une grande puissance architectonique mais aussi « avec les éclairs fulgurants de la vraie poésie. Un Temps absolu qui contient chaque temps. » Un recueil qui nous plonge de temps à autre dans diverses périodes de notre vie, comme si nous étions à la fois « des hommes de l’Antiquité et des adolescents, sûrs » de nous et tout à la fois « perdus », et que nous nous immergions « dans ce jour chargé d’attente et de révélation, sans cesse sur le seuil d’une découverte cruciale ». ■ Luigia Sorrentino sur Terres de femmes ▼ → [tous les jours étaient tombés sur son visage] (extrait de Début et fin | Inizio e fine) ■ Voir | écouter aussi ▼ → (sur le site des éditions Al Manar) la fiche de l’éditeur sur le recueil Olympia → (sur le site des éditions Interlinea) une page sur le recueil Olimpia → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino) une recension (en italien) d’Olimpia par Alessio Alessandrini → le blog Poesia de Luigia Sorrentino → (sur le blog Poesia de Luigia Sorrentino) Luigia Sorrentino lit un extrait du recueil Olimpia : “Giovane monte in mezzo all’ignoto” (+ une note de lecture de Diego Caiazzo) → (sur Sulla letteratura | On literature) un autre extrait d’Olimpia traduit en anglais par Alfred Corn → (sur PostPopuli) un entretien de Luigia Sorrentino avec Giovanni Agnoloni → (sur Poesia 2.0) une recension d’Olimpia par Chiara De Luca → (sur le blog du Corriera della sera) une recension d’Olimpia par Ottavio Rossani → (sur YouTube) a creatura perpetua (une vidéopoésie de Chiara De Luca sur un extrait d’Olimpia) |
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