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BOG QUEEN
I lay waiting
between turf-face and demesne wall,
between heathery levels
and glass-toothed stone.
My body was braille
for the creeping influences:
dawn suns groped over my head
and cooled at my feet,
through my fabrics and skins
the seeps of winter
digested me,
the illiterate roots
pondered and died
in the cavings
of stomach and socket.
I lay waiting
on the gravel bottom,
my brain darkening,
a jar of spawn
fermenting underground
dreams of Baltic amber.
Bruised berries under my nails,
the vital hoard reducing
in the crock of the pelvis.
My diadem grew carious,
gemstones dropped
in the peat floe
like the bearings of history.
My sash was a black glacier
wrinkling, dyed weaves
and phoenician stitchwork
retted on my breasts’
soft moraines.
I knew winter cold
like the nuzzle of fjords
at my thighs –
the soaked fledge, the heavy
swaddle of hides.
My skull hibernated
in the wet nest of my hair.
Which they robbed.
I was barbered
and stripped
by a turfcutter’s spade
who veiled me again
and packed coomb softly
between the stone jambs
at my head and my feet.
Till a peer’s wife bribed him.
The plait of my hair,
a slimy birth-cord
of bog, had been cut
and I rose from the dark,
hacked bone, skull-ware,
frayed stitches, tufts,
small gleams on the bank.
Seamus Heaney, North, Faber and Faber, London, 1975 [paperback edition, 2001], pp. 25-27.
REINE DE LA TOURBE
Couchée j’attends
entre la tourbe et le mur du domaine,
entre les strates recouvertes de bruyère
et la pierre aux dents de cristal.
Mon corps était du braille
pour les puissances rampantes :
les soleils de l’aube frôlèrent ma tête
et gelèrent à mes pieds,
à travers tissus et peaux
les sucs de l’hiver
m’ont digérée,
les racines ignorantes
méditèrent et moururent
dans les cavités
de l’estomac et des orbites.
Couchée j’attends
sur la dalle couverte de gravier,
mon cerveau s’assombrissant,
une jarre de frai
fermentant sous terre
rêve d’ambre en mer Baltique.
Des baies meurtries sous mes ongles,
la richesse vitale étiolée
dans la cruche du pelvis.
Mon diadème se cariait,
les gemmes sont tombées
dans la tourbe de glace
comme les voies de l’histoire.
Ma ceinture était un glacier noir
et ridé, des étoffes teintes
et des broderies phéniciennes
ont roui sur les moraines
lisses de mes seins.
J’ai connu le froid de l’hiver
pareil au groin des fjords
sur mes cuisses –
le vêtement trempé, les lourds
langes des peaux.
Mon crâne a hiberné
dans le nid mouillé de ma chevelure.
Qu’ils m’ont volée.
Je fus ébarbée
et dépouillée
par la bêche d’un cureur de tourbe
qui me recouvrit de mes voiles
et tassa doucement la suie
entre les chambranles de pierre
à ma tête et à mes pieds.
Jusqu’à ce que le subornât la femme d’un pair.
La natte de mes cheveux,
cordon ombilical limoneux
de la fondrière, a été tranchée
et je me suis relevée des ténèbres,
os ébréchés, cerveau conscient,
coutures effilochées, toupets,
petits éclats sur le talus.
Traduction inédite de Thierry Gillybœuf
pour Terres de femmes.
D.R. Texte Thierry Gillybœuf.
SEAMUS HEANEY ■ Voir aussi ▼ → (sur Poetry Foundation) une bio-bibliographie (en anglais) de Seamus Heaney → (sur williamgfrench) An Analysis of Seamus Heaney and Some of The Poems In North. ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf sur Terres de femmes ▼ → Fabiano Alborghetti | Canto 13 → Eugenio De Signoribus | microelegia → Stanley Kunitz | The Quarrel → Robert Lowell | Burial → Marianne Moore | Son bouclier → Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers → Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas → Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose → Derek Walcott | To Norline → Andrea Zanzotto | Così siamo |
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