Gilbert Pastor [Ce que l’immobile tient pour geste]
CE QUE L’IMMOBILE TIENT POUR GESTE (extrait)
Serrer les draps contre ton corps
C’est toucher la matière même
De ce qui en toi
Réclame de l’air.
Va
Vers ce qui ne sait respirer.
Tu saisiras combien ce que tu attends
Est grand
Cet océan
Au bord de l’irrespirable.
Corps
Qui annonce l’ouverture
En se tenant toujours
Dans sa chambre fermée.
Chambre
Où la lumière n’est retenue que par nos corps.
Ne pas bouger
Devient alors une annonce.
La nuit ne dit pas la nuit
Mais ce que le corps
Tient pour lumière.
***
Ne pas bouger
Ne demeurer que dans l’échange
Muet des draps
Des mains
Et de tout ce qui ne sait franchir l’espace
Qu’en demeurant près de nous.
La nuit n’ouvre pas sur la nuit
Mais sur ce qui prend corps
Et se nourrit de cette nuit
Comme d’une lumière.
Jean-Louis Giovannoni, « Ce que l’immobile tient pour geste » in Pastor, Les Apparitions de la matière, Propos2 éditions/Éditions Unes, 2013, s.f. Édition établie par Jean-Pierre Sintive.

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Rédigé par : christiane | 17 avril 2013 à 08:24