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TRIESTE
Ho attraversato tutta la città.
Poi ho salita un’erta,
popolosa in principio, in là deserta,
chiusa da un muricciolo:
un cantuccio in cui solo
siedo; e mi pare che dove esso termina
termini la città.
Trieste ha una scontrosa
grazia. Se piace,
è come un ragazzaccio aspro e vorace,
con gli occhi azzurri e mani troppo grandi
per regalare un fiore;
come un amore
con gelosia.
Da quest’erta ogni chiesa, ogni sua via
scopro, se mena all’ingombrata spiaggia,
o alla collina cui, sulla sassosa
cima, una casa, l'ultima, s'aggrappa.
Intorno
circola ad ogni cosa
un’aria strana, un’aria tormentosa,
l’aria natia.
La mia città che in ogni parte è viva,
ha il cantuccio a me fatto, alla mia vita
pensosa e schiva.
Umberto Saba, Trieste e una donna, 1910-12, in Il Canzoniere, Einaudi tascabili, Torino, 2004, pagina 79.
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TRIESTE
J’ai traversé toute la ville,
puis j’ai gravi une montée,
d’abord peuplée, plus loin déserte,
close d’un petit mur :
un coin où seul
je m’assieds, et là où finit le mur
me semble finir la ville.
Trieste a une ombrageuse
grâce. Si elle plaît,
c’est comme un garçon âpre et vorace,
aux yeux d’azur, aux mains trop grandes
pour offrir une fleur ;
elle est comme un amour
avec de la jalousie.
De cette montée, je découvre chaque église, chaque rue,
qu’elle mène à la plage encombrée,
ou vers la colline. Là, sur la cime
rocheuse, une maison, la dernière s’agrippe.
Autour de chaque chose circule
un air étrange, un air tourmenté,
l’air natal.
Ma ville qui de toute part est vivante
a pour moi un coin à la mesure de ma vie
pensive et sauvage.
Umberto Saba, Il Canzoniere, in Franck Venaille, Umberto Saba, Seghers, Collection Poètes d’aujourd’hui, 1989, pp. 107-108.*
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* Autre référence : Umberto Saba, Il Canzoniere, Bibliothèque L’Âge d’Homme, Lausanne, 1988, page 97. Traduit de l’italien par Odette Kaan, Nathalie Castagné, Laïla et Moënis Taha-Hussein et René de Ceccatty.
Lorsqu’un homme, né à Trieste, s’en va mourir, soixante-quatorze ans plus tard à Gorizia, c’est-à-dire tout juste à cinquante kilomètres, qu’il a volontairement peu voyagé et choisi de demeurer dans cet espace somme toute réduit, comment ne pas comprendre que sa vie s’insère là, dans cet univers géographique et mental délimité et précis qui le comble ?
Quand il s’agit d’un poète, pourquoi dès lors ne pas admettre que son œuvre tout entière prend corps et s’enracine en totalité dans ce territoire dont il a fixé lui-même l’horizon et les limites !
La première des deux villes dit l’enfance. La seconde suggère la maladie et la mort. L’œuvre et le mythe Saba s’inscrivent donc en totalité dans cet entre-deux. Et c’est dans le va-et-vient entre l’adolescence et la vieillesse, exprimé par le passage de Trieste à Gorizia, que les poèmes prennent naissance comme si leur auteur avait toujours su et pressenti qu’il ne pourrait mourir que là, à moins d’une heure « à vol d’oiseau » du lieu où il est né : Trieste !
Franck Venaille, op. cit. supra, page 17.
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