Le 14 janvier 1494 meurt à Florence le peintre Domenico di Tommaso di Currado Bigordi, dit Ghirlandaio. Il était né à Florence en 1449.
Peintre florentin par excellence, Ghirlandaio a dirigé dans la ville médicéenne un atelier très actif. Une grande partie de ses œuvres est toujours conservée à Florence. Contemporain de Domenico Veneziano, de Piero della Francesca et d’Andrea del Castagno, Ghirlandaio fait partie des grands peintres de la première Renaissance picturale. Botticelli et Pérugin sont ses rivaux. Ils ont survécu à Ghirlandaio qui meurt à l’âge de quarante-cinq ans, emporté par la peste. Il semble, selon le célèbre historien d’art de l’époque Giorgio Vasari, que le surnom de Ghirlandaio ait été attribué au peintre en référence au bijou que son père, orfèvre de métier, aurait inventé pour orner les coiffures des jeunes florentines. Composé d’une guirlande de fleur en métal, ce bijou faisait alors l’objet d’un grand engouement. Destiné à suivre les traces du « guirlandier » dont il était le fils aîné, Domenico obtient cependant de son père l’autorisation d’apprendre la technique de la peinture et de la mosaïque. Il est probable qu’il soit d’abord entré dans l’atelier d’Alessio Baldovinetti, puis dans celui, plus célèbre, du Verrocchio. Dès ses premières réalisations – les fresques de la petite église de Cercina (aux environs de Florence) : Sainte Barbe, Saint Jérôme et Saint Antoine abbé –, le jeune artiste fait preuve d’un grand talent d’innovation et d’expérimentation. Les œuvres de ses contemporains lui sont familières. En 1472, son entrée à la confrérie florentine de Saint-Lucas signe la fin de ses apprentissages. L’année suivante, en 1473, le jeune Ghirlandaio réalise, pour la chapelle Ognissanti de Florence, la fresque de la Madone de miséricorde avec la famille Vespucci et le Christ mort. Ses qualités de portraitiste minutieux, attentif aux moindres détails, lui assurent d’emblée une belle renommée. La famille Vespucci ― qui compte parmi ses membres le célèbre navigateur Amerigo Vespucci ― renouvellera un peu plus tard ses commandes. Ghirlandaio réalise, en 1480, pour la même chapelle Ognissanti, un Saint Jérôme à l’étude pour faire pendant, dans une facture toutefois différente, au Saint Augustin de Botticelli.
Mais le chef-d’œuvre de la jeunesse de Ghirlandaio est l’œuvre qu’il réalise dans la collégiale de San Gimignano. Deux fresques qui narrent, sur fond de décor urbain constellé de tours, la vie de santa Fina, sainte de la ville : Apparition de saint Grégoire qui annonce à Fina sa mort ; Funérailles de sainte Fina (1473-1475). Cette œuvre est l’occasion pour le peintre de se livrer à une étude de caractères qui rend cette scène funèbre extrêmement vivante. Enfants et notables qui assistent à la cérémonie des funérailles sont saisis dans la diversité de leurs expressions, les uns attentifs et graves, les autres, distraits, souriants ou émus. Reconnu comme un maître incontesté, Ghirlandaio devient l’un des grands peintres favoris des riches commerçants florentins. Après un séjour à Rome où il réalise, aux côtés de Sandro Botticelli, de Cosimo Rosselli et de Piero di Cosimo, des fresques pour la chapelle Sixtine ― fresques composées à la manière d’une « bande dessinée » et illustrant en plusieurs épisodes la Vocation de saint Pierre (1481-1482) ―, Ghirlandaio, de retour dans sa ville natale, s’attelle à un cycle de fresques pour les familles Sassetti et Tornabuoni. Ce sont les Scènes de la vie de saint François pour la chapelle Sassetti à Sainte-Trinité (1483-1485) ; et, à Santa Maria Novella, les Scènes de la vie de la Vierge (1486-1490), pour Giovanni Tornabuoni, riche banquier de la famille de Laurent de Médicis. Édifices en trompe l’œil, châteaux, montagnes, villes et campagnes, rochers, animaux et arbres, costumes, rien de ce qui constitue la vie de l’époque n’est laissé au hasard. Ces œuvres ― qui mêlent dans ces cycles vie religieuse et vie profane ― rendent compte avec une grande précision des mœurs, coutumes et modes vestimentaires de la vie florentine au XVe siècle. Les commanditaires des fresques ainsi que les notables de la ville sont aisément identifiables parmi les personnages qui animent ces scènes. Quant au peintre lui-même, il est également présent dans ces fresques, comme dans la plupart de ses œuvres.
Vers 1490, Ghirlandaio peint un tableau particulièrement émouvant. Intitulée Vieillard avec un enfant, cette peinture sur bois est conservée au musée du Louvre. On y voit, réunis dans l’angle d’une pièce dont la fenêtre donne sur un paysage de collines, un vieil homme et un tout jeune enfant. Peut-être le peintre lui-même et son petit-fils. Tendrement blotti contre la poitrine du vieillard, l’enfant, effleurant de son bras gauche l’épaule du vieil homme, lève vers lui son visage. Leurs regards se croisent, traçant une diagonale en chassé-croisé qui rend compte de leur affection réciproque. Dans cet échange d’une douceur immense, rien de l’aspect difforme du nez couvert d’excroissances (« rhinophyma ») du vieil homme, ne vient perturber l’enfant, tout entier absorbé dans sa tendresse. Le nez bulbeux, les paupières lourdes, le sourire triste du vieillard offrent un contraste saisissant avec la peau douce et claire de l’enfant, son joli nez retroussé, sa belle chevelure d’ange. Et son air interrogateur. Cependant, la différence de génération n’est là que pour renforcer le sentiment d’harmonie qui unit ces deux êtres. Harmonie figurée par l’osmose parfaite du rouge éclatant de leurs vêtements et de la coiffe de l’enfant. La lumière en provenance de la fenêtre illumine également les deux visages, que baigne une même tendresse. |
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Ce regard d'Angèle sur cette œuvre de Domenico Ghirlandaio Vieillard avec un enfant me permet de la regarder... enfin dans sa grande beauté. Merci.
Rédigé par : christiane | 15 janvier 2013 à 11:34