Ph., G.AdC
MATIÈRES DU TEMPS
(extrait)
Une chose est là et si je suis là où est cette chose, je suis cette chose. Un caillou. Rien dans le caillou.
Ce petit tas de cailloux est-il gravier de mes jours ? Tout écrit est posthume, toute terre est promise. Le muet et le bavard sont avers et revers d’une même monnaie qui affole le cours de la conversation. Ils ne sont nullement personnes auxquelles parler. Autant s’adresser à un mur de pierres sèches. La langue ne cimente pas le dialogue.
Je dis caillou plutôt que pierre parce que je n’ai pas d’église à bâtir. Mais l’hostie est-elle un caillou dans la bouche ? Je dis caillou, je ne sais ce que je dis, mais que celui qui sait pose la première pierre. Le bâtisseur travaille à la contemplation des ruines. Je ne pose pas une pierre, mais une chose, un caillou sur ma table de travail. Une chose est là, sur la table. Je suis là sur la chaise. Nous sommes là, objets du monde, choses de la nature posées dans une petite cellule d’un monastère.
Michaël Glück, « Matières du temps », D’après nature, Voix d’encre, 2000, page 44.
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Un caillou, cette petite chose échappant à l'écriture et qui se cache à fond de poche pour toujours retrouver l'appui. Comment lui résister ? J'aime vraiment la pensée de Michaël Glück. Encore une découverte que je dois à Terres de femmes...
Rédigé par : christiane | 28 décembre 2012 à 12:26