POETRY, A NATURAL THING
Neither our vices nor our virtues
further the poem. “They came up
and died
just like they do every year
on the rocks.”
The poem
feeds upon thought, feeling, impulse,
to breed itself,
a spiritual urgency at the dark ladders leaping.
This beauty is an inner persistence
toward the source
striving against (within) down-rushet of the river,
a call we heard and answer
in the lateness of the world
primordial bellowings
from which the youngest world might spring,
salmon not in the well where the
hazelnut falls
but at the falls battling, inarticulate,
blindly making it.
This is one picture apt for the mind.
A second: a moose painted by Stubbs,
where last year’s extravagant antlers
lie on the ground.
The forlorn moosey-faced poem wears
new antler-buds,
the same,
“a little heavy, a little contrived”,
his only beauty to be
all moose.
Robert Duncan, The Opening of the Field, New York: Grove Press, 1960 ; New York: A New Directions Paperbook, 1973, p. 50.
POÉSIE, UNE CHOSE NATURELLE
Nos vices pas plus que nos vertus
n’avancent le poème. « Ils sont venus
mourir
comme chaque année
sur les rochers. »
Le poème
se nourrit de pensée, de sensation, d’impulsion
pour s’engendrer lui-même,
urgence spirituelle bondissant aux échelles obscures.
Cette beauté est une persistance intérieure
vers la source
luttant contre (dans) le courant de la rivière,
appel que nous entendons et honorons
dans la vieillesse du monde
brame primordial
d’où pourrait surgir le plus jeune des mondes,
le saumon non dans le puits où la
noisette tombe
mais bataillant aux chutes, inarticulé,
triomphant aveuglément.
Cette image convient à l’esprit.
Une autre : un élan peint par Stubbs,
les bois extravagants de l’an passé
tombés à terre.
Le misérable poème à tête d’élan porte
de nouveaux bois naissants,
identiques.
« un peu lourds, un peu maladroits »,
sa seule beauté d’être
tout élan.
Robert Duncan, L’Ouverture du champ précédé de Un essai en guerre & Écrire l’écriture, Éditions Corti, Série américaine, 2012, pp. 108-109. Traduction de Martin Richet.
Vous, les poètes vous m'étonnez.
Dans cet admirable poème, Robert Duncan évoque la genèse d'un poème comme une expérience d'inévitable, un malgré tout, un malgré la vie. Un mystère rebelle qui travaille au profond de l'être dans ce qui deviendra la langue. Quel austère chemin celui qui conduit à mettre au monde cette présence inconnue, têtue, presque insoupçonnable, avec beaucoup de renoncement pour toutes ces autres choses qui font la vie. Et après, cette bataille avec les mots pour décrypter ce qui frappe là-dedans avec insistance, douleur et joie mêlées. C'est d'enfantement qu'il s'agit. Mais ça ne cède pas. Ça revient, différent et semblable. Et vous accueillez ça, fragile et rare, ce souffle, ce presque rien pour écrire sur la page blanche du monde quelque chose qui n'a jamais été écrit, prononcé, lu.
Vous, les poètes vous m'étonnez et me bouleversez.
Rédigé par : christiane | 22 novembre 2012 à 01:12