Ph., G.AdC 1er octobre 2009 Fête nationale de la République Populaire de Chine : quarantième anniversaire. La journée promettait d’être chargée, je n’ai pas été déçue : Matinée consacrée aux courses de subsistance. Rencontre avec des étudiantes en troisième année qui ont concocté pour moi un itinéraire culturel et festif ! […]
[…] Quatorze heures : je me rends dans un bistrot très cosy en face de l’ancienne université de XISU, ambiance feutrée, une dizaine d’étudiantes sont présentes, le thé vert au jasmin est délicieux. Discussion à bâton rompu sur le choix du prénom des enfants d’après le calendrier jaune et les hexagrammes du Yi-King, car le prénom doit annoncer ce que sera l’enfant, si d’aventure le prénom ne correspond pas au caractère de l’enfant mieux vaut en changer. Comment faire ses études en France lorsqu’on a trop peu d’argent (il n’y a plus de bourse, trop d’étudiantes demandent à partir à l’étranger) : jeune fille au pair, assistante de langues dans les lycées, lectrice dans une université sont des solutions possible, mais aucune étudiante n’a vraiment idée du budget requis pour vivre tout en poursuivant des études en France cependant elles connaissent toutes des personnes qui pourront leur vendre un diplôme français en Chine : sur les trottoirs de la fac, en ville, elles peuvent les acheter, il faut tout de même aller en France pour dire qu’on l’a obtenu son (faux) diplôme en France, d’autre part elles ne savent pas quel est le niveau d’exigence des universités françaises et elles pensent qu’il y aura bien un moyen licite ou non de l’obtenir, d’acheter une faveur. J’ai un mal fou à faire comprendre que ni la face ni la faveur n’ont d’importance en France pour l’obtention des diplômes : un étudiant qui rate une année la redouble tout simplement, le niveau atteint compte presque autant que son obtention. Ici tout le monde est au courant de l’enquête menée à Toulon au sujet de l’achat frauduleux des diplômes : pourquoi en faire toute une histoire puisque pour obtenir ces faux diplômes il faut payer : n’est-ce pas un moyen comme un autre de s’enrichir, s’il y a un marché, autant le satisfaire ! Les filles sont vraiment plus ouvertes que les garçons et elles savent qu’elles ont mon oreille. L’absence des garçons les rend plus libres, elles peuvent être elles-mêmes et le disent. La question du mariage les hante, faire un enfant unique ne les enthousiasme pas, que faire si c’est une fille ? Seront-elles répudiées, entreront-elles en concurrence avec une concubine ? La polygamie, terme qu’elles emploient, ne leur convient pas. Le divorce est envisagé, il est extrêmement courant en Chine, mais quelle galère ensuite pour trouver un nouvel époux lorsque l’on n’est plus vierge ! Pour la première fois apparaissent dans la conversation les termes de responsabilité et de paresse appliqués aux futurs maris, je ne comprends pas ce que cela signifie, mais j’aurai sans doute une autre occasion d’en savoir plus, je ne dois rien brusquer si je veux aller au bout de mon questionnement. Une certitude : la France est vraiment aimée pour sa culture et sa liberté : mon travail avec Qiang me l’avait déjà révélé. La France est pour chaque étudiante le seul rêve qu’elle s’accorde : cela me touche et m’oblige : c’est cela être romantique en Chine… […] Françoise Chabert, Avoir vingt ans à Xi’an, Journal de Chine, Éditions À plus d’un titre, 2012, pp. 42-43-44. |
FRANÇOISE CHABERT ■ Françoise Chabert sur Terres de femmes ▼ → Qiyunshan (extrait de De la main à l’oubli) ■ Voir aussi ▼ → (sur gb times) une fiche sur Avoir 20 ans à Xi'an |
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J'aime la narration de cette rencontre écrite avec les mots de tous les jours. C'est une approche discrète de l'autre, en l’occurrence celles de jeunes femmes chinoises partagées entre rêve d'ailleurs et certainement la fierté d'être chinoises. L'étrangeté de ceux qui sont différents nous conduit parfois à une regrettable impression de supériorité, ici, c'est l'inverse : effacement de Françoise Chabert pour donner toute l'importance à cette hésitation entre destin et émancipation de ses jeunes interlocutrices. L'attachement aux diplômes français est amusant en ce temps où nos étudiants émigrent dans l'espoir, eux-aussi, d'atteindre quelque Eldorado... Les rêves dont sont faites nos vies rendent un peu tristes le renoncement à les réaliser même si, au fond, nous savions que nous attend, dans la réalité, l'imprévisible qui nous révélera une joie insensée, ne serait-ce que celle de la rencontre. Ce texte sonne vrai ! Bien envie de lire ce livre pétri d'humanité et de questions fondamentales.
Rédigé par : christiane | 03 octobre 2012 à 11:58
Et oui, voici une très belle lecture que ce journal de Chine. Nous l'avons tellement aimé que nous recevons aujourd'hui même Françoise Chabert dans notre librairie. N'hésitez pas à vous saisir de ce texte d'une grande humilité. Il sonne juste comme le stipule le commentaire précédent. On y apprend beaucoup sur cette Chine souvent présentée comme le nouveau géant mondial mais qui est peut-être un colosse au pied d'argile, tout comme peut l'être notre Occident fantasmé de par le monde. En même temps, une intense émotion traverse ce texte dénué de tout effet de manches. Il y est également question - en filigrane - de l'enfance absente et volé, aussi bien à travers l'expérience chinoise qu'au travers du parcours personnel de la narratrice.
Merci à Françoise Chabert et à l'éditeur "A plus d'un titre" pour cette découverte.
Amandine Gotti, librairie "Des livres et des hommes", Beaune (21)
29 mars 2013
Rédigé par : Gotti | 29 mars 2013 à 13:28