Source EXT. JOUR La vieille dame au bout du chemin aime les figues. Elle les tient dans ses mains et ses yeux sont blancs. Je sens sa douceur quand elle se penche pour prendre congé. Sa blouse fleurie s’unifie à mesure qu’elle s’éloigne. La vieille dame est un peu comme ma grand-mère, perdue. Et tout ce qui l’ancre tient dans ces mains. Je la vois maintenant comme une tache dans la verdure. Bientôt elle prend l’escalier de trois marches et disparaît sous la tonnelle. Je peux en fermant les yeux l’entendre ouvrir la porte aux chats, et tomber comme une masse sur le parquet. Comme ma grand-mère, oui, comme ma grand-mère. Qui me disait tout bas, o que será será.
La suite des jours, scandée en moments. Intérieur nuit, intérieur jour, extérieur jour, extérieur nuit : le film d’une vie, situations, atmosphères, placements du personnage – une femme –, un lieu, la nuit / le jour. Un personnage principal et plusieurs figures secondaires, autant de déclinaisons de l’amoureux, réel ou imaginaire, qui prend toute la place, remplit l’attente – l’écran. Ce pourrait être une voix off. Ou un film muet, mais en couleurs (un film d’aujourd’hui), sans histoire que celle de la lumière qui passe, des passants qui passent, des jours et des nuits qui passent, avec arrêts sur images. La voix off ne dirait que ce que montrent les images, les remplaçant, les représentant. Par petites touches, comme de rien. Mots « éparpillés » de l’intime, collé au visage de l’attente, celle de l’autre, de l’homme, du prince charmant de l’enfance. Jour intérieur : l’attente est silencieuse, « les images empilées » dans « le grouillis des jours », les « figures en contre-jour se font brouhaha ». La nuit, dedans, le temps est comme dilaté, étiré, « un temps long pour tuer l’ennui » dans la régularité du métronome, mais s’y agitent les pensées et les souvenirs, le spectre de la mort (« j’ai peur du froid des morts ») qui font se « bousculer » et « déborder » les choses pour que les enfants ne « prennent le pli ». Dehors, la nuit, les hommes ne sont que « minuscules papillons de nuit », brillants, impatients et distants, flous de toute cette distance imposée par les « murs [qui] s’épaississent ». Extérieur jour, enfin : l’attente est invisible, discrète, inaperçue, dans la lutte de la protection de soi afin de « ne pas perdre de plumes », de ne pas se laisser « encombrer » par « celui qui veut prendre ma place » tout en s’efforçant de « voir au plus loin ». Car « que será será », ce qui arrivera arrivera, avec son « cortège de vieilleries » qui viennent ourler l’enfance en creux, accompagnent la femme à la « peur bleue » « d’enterrer l’enfance » et qui ne cesse de « guetter l’amour » sans cependant être « femme à virer seule et bleue », « toujours cette petite veine frétillante sur la tempe ». |
SOFIA QUEIROS Source Sofia Queiros est née au Portugal le 21 juillet 1968. Elle vit en Poitou-Charentes depuis l’âge de trois ans. Elle a fait des études supérieures de langues étrangères (anglais/portugais) à l'Université Michel-de-Montaigne (Bordeaux-III), et enseigne aujourd’hui à La Rochelle. Elle anime régulièrement des ateliers d’écriture. Elle a publié dans diverses revues, et notamment dans la revue Travioles aux côtés du peintre Jean-Pierre Pincemin. Elle est présente dans l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs (anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines), publiée par Voix d’encre à l’automne 2012. Sofia Queiros a obtenu le Prix du Poème en prose Louis-Guillaume 2013 pour son recueil et puis plus rien de rêves. Derniers ouvrages parus : Une même lunaison, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2019. Sommes nous, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2017. normale saisonnière, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2014. Carabines, Co-édition L’Idée bleue et Écrits des forges, 2007. De quoi dirais-je vivre, éd. Être et connaître, 2006. Guérir les saisons, éd. Être et connaître, 2004. Zone : Artesanata, éd. Rumeur des âges, 2001. ■ Sofia Queiros sur Terres de femmes ▼ → Normale saisonnière (lecture d'Isabelle Lévesque) → Normale saisonnière (extraits) → [je à la pointe du jour] (extrait de Sommes nous) → Jour 13 (extrait d’Une même lunaison) |
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UN coup dans la morosité tranquille des souvenirs tus, une déchirure par où le plaisir étreint la souffrance.
l'instantané comme partage.
J'ai envie de lire d'autres textes...
Rédigé par : jacqueline | 13 septembre 2012 à 20:22
tout le recueil ... j'ai envie de lire tout le recueil
sans réfléchir ... embarqué sur le navire de ces mots-là
je vais chercher l'ile
très vite
paul
Rédigé par : paul | 09 août 2013 à 19:43