[IL Y A EU DES PLUIES]
[extrait de 2. LA DEMOISELLE D’ESPÉRANCE]
il y a eu des pluies des pluies encore
des voyages retenus
et toi dans les rêves
avec tremblements
soie sur la peau
dans la distance sans mesure
les couleurs ont traversé les pluies
et l’attente en gris avec rouge carmin au centre
on a vu des fleuves sortir de leur lit
pour entrer dans la gorge
ne reste que la boue et le trouble
les feuilles tombent
et les gestes se figent
les arbres familiers (des pommiers mêmes)
abattus par l’orage
fructifient encore
des pommes plein les paniers
des noix des nèfles des champignons
c’est l’abondance
mais le cœur a d’autres faims
je lis j’écris dans les fougères roussies
nos lettres se croisent au-dessus
parfois je t’inventais.
Luce Guilbaud, “2. La demoiselle d’Espérance” (extrait), in Nuit l’habitable, Les Arêtes éditions, Collection Au bord du livre, 17000 La Rochelle, 2012, page 21. Peinture de Bernard Joubert.
Liminaire de l’auteur (op. cit., page 5) : Le Livre du Cœur d’amour épris : c’est le dit du Roi René [René d’Anjou] ou les tribulations d’un cœur dérobé à un dormeur et livré au désir. Cœur et Désir devenus personnages, partent à la conquête de l’Aimée : Douce Merci, livrée à Danger. Ils affrontent tous les tourments de la quête amoureuse…
Seize miniatures illustrent les séquences du texte. Elles auraient été exécutées par Barthélemy d’Eyck vers 1465.
C’est en regardant ces miniatures que les poèmes [de Nuit l’habitable, organisés en seize séquences] sont venus accompagner à leur tour l’aventure d’amour.
2. La demoiselle d’Espérance
« lorsque le Cœur et le Désir sont en campagne
les chevaux harnachés (Cœur a le visage caché)
la route est fraîche la première femme est accueillante
la tente est dressée ouverte
une stèle est déjà commémorative »
(op. cit. supra, p. 17)
Barthélemy d’Eyck, Miniature 2 du Livre du Cœur d’amour épris
Source : gallica.bnf.fr
Ce beau poème de Luce Guilbaud est un effleurement, une aquarelle de mots d'une ultime douceur comme si quelque chose restait en en suspens. Traces d'une pensée qui se ramifie en une infinité de possibles... entre deux lettres qui se croisent, s'attendent, se devinent.
Rédigé par : christiane | 13 juillet 2012 à 16:32
Quelle découverte!
Délicatesse des mots, rythmes et agencements... J'aime beaucoup aussi la démarche illustrations-textes.
Je vous remercie également pour tous les liens.
D'île en île, dans la chaleur méditerranéenne, amicalement.
Rédigé par : colo | 13 juillet 2012 à 17:38