CAHIER NOIR
Juillet 2009
Soudain la vie commence,,, telle que je l’espérais. Ma sœur, la Surelluccia, a quitté la maison avec mes neveux. Pendant quelques jours je ne faisais que la cuisine, la vaisselle, le linge et la garde des enfants. À peine possible de travailler la peinture, l’écriture, la lecture de manuscrits. Ma petite sœur a dit : « Mais là, tu... ne travailles pas ? »
Enfin j’ai installé un ordinateur dans la chambre de mon père. Enfin cela commence.
Il m’est possible maintenant d’avoir le champ libre. Je peux me lever à 11 heures – ce qui est très tard ici, tellement nous sommes à l’Est, ― me promener, être nu. Le mieux pour sentir son corps.
Je chamanise. C’est mon activité préférée.
Mon ego est comme une pirogue à balancier, dont le balancier serait une belle connerie. Sans connerie, pas d’équilibre. Elle est ce qui m’aide à garder le cap et mon calme. Impossible d'être parfait. À ce titre, noter que :
J’ai maintenant une voiture neuve, blanche comme une colombe ou bien est-ce comme un uniforme d’infirmier ? Une voiture neuve... pour la première fois de ma vie.
Une nouvelle carte bleue toute dorée, avec marqué dessus : « Premier ». Avà.
Je pense chaque jour à la mort, comme si j’avais 99 ans.
J’écris déjà mes dernières volontés :
Je veux que le chauffeur de mon corbillard soit une jeune femme qui n’a pas son permis de conduire ;
Je veux que le trajet soit long, qu’elle conduise pour la première fois, pucelle de la route,, que le moteur cale et secoue mon corps inerte. Je veux sentir ;;
Je veux être enterré dans la concession n°21 au cimetière de Saint-Antoine ;;; sur les hauteurs de Casabianca.
En vacances en Turquie alors que je venais d’obtenir mon baccalauréat, je fus déçu de voir combien tel ou tel homme faisait des gestes obscènes dans le dos de jolies blondes venues d’Europe du nord. Ces gestes me disaient :
Mais enfin, ne te rends-tu pas compte que tu as la chance de pouvoir fourrer (là, l’index pénètre fort le poing serré de l’autre main) une blonde, une belle, une riche ? Qu’attends-tu ? Par pitié attaque-les, idiot !
Au fur et à mesure, j’ai compris que même se marier avec une Turque c’est très difficile quand on est pauvre. Alors une riche et blonde suédoise, c’est l’inaccessible.
Voici à quoi ressemble ma nouvelle vie :: un chien qui hurle lorsque l’Angélus de midi sonne.
Rester en pyjama toute la journée / ne pas prendre de douche / ne pas se laver les dents / ne pas manger à heure fixe / ne manger que des gâteaux / ne plus savoir l’heure.
Avoir quitté mes trente-trois mètres carrés. Dans cet espace je devenais fou : j’étais obligé de marcher une heure, au minimum, chaque jour, dans ma capitale bien-aimée.
Xavier Dandoy de Casabianca, Quai Tino Rossi, Colonna Édition, Collection Poésie, 20167 Alata, 2012, pp. 12-13-14.
Mais oui, je me souviens... être passée dans la librairie "Point de rencontre" à Bastia et m'être amusée à lever le nez aux voûtes d'où pendaient des banderoles sur lesquelles étaient dessinées (peintes ? imprimées ?) des points de ponctuation en liberté. Ceux, m'expliqua la libraire, dont l'usage avait été proscrit par les poètes. Hiver 2011, je crois...
Ainsi je faisais connaissance avec un fragment de l'univers de Xavier Dandoy de Casabianca. Il est un peu fou ce sage...
Aujourd'hui, je découvre qu'il peut planter des mots dans la jungle de ces signes. C'est un peu foutraque, très drôle, très surprenant. Heureux d'être enfin seul après le départ de la famille, de redécouvrir l'art de ne rien faire de conventionnel. C'est un grand délire mêlant passé, présent, fantasmes et un enterrement de première classe : la classe tout risque !
Ah, quel beau moment je viens de passer sur Terres de femmes ! Et tourne l'éolienne !!!...;;;,,,,????¨¨¨¨(((())))
Rédigé par : christiane | 30 juillet 2012 à 09:27