Ci-dessous, le deuxième communiqué de la commission poésie du CNL (Centre national du livre), qui fait suite au projet de réforme exposé par Jean-François Colosimo, président du CNL, le 29 juin dernier.
12 juillet 2012
Le président du CNL a préparé une réforme de l'institution sans concertation avec les membres des commissions ou avec les milieux littéraires (écrivains, éditeurs, universitaires, libraires). Les orientations de cette réforme sont aujourd’hui connues, et elles contreviennent à plusieurs missions fondamentales du CNL qui nous sont chères : protéger les «marges de l’édition» (comme la poésie) de «la violence du marché», garantir la diversité de l’édition, veiller au principe d’égalité dans le traitement des dossiers. Ce qui aurait dû mener à une simplification du fonctionnement interne risque de produire paradoxalement des lourdeurs administratives, avec un dédoublement des instances de décisions (commission et collège d’experts). Ce fonctionnement supprimerait la nécessaire discussion autour des dossiers et aboutirait à des inégalités dans le traitement des demandes. Alors qu’elle se voulait «interne», la réforme projetée change radicalement les procédures d'attribution des aides. Elle dissocierait l'examen des aides aux auteurs, aux ouvrages et aux revues, sans prendre en compte que, pour l'édition et la diffusion de la poésie, ces postes sont liés.
Nous craignons l’arbitraire des décisions dans les commissions réduites à venir, car nous vérifions à chaque session combien l’analyse des demandes requiert des compétences spécifiques et des complémentarités chez les membres de la commission (nous ne sommes pas trop de 14 membres tous spécialisés en poésie). La nécessité de bien connaître plusieurs aspects du champ contemporain et de pouvoir en discuter ensuite avec des personnes informées garantit le sérieux et l’indépendance de notre démarche.
En outre, la centralisation des demandes de création conduirait à mettre en concurrence des poètes avec des auteurs de bande dessinée, de livres pour la jeunesse ou des éditeurs scientifiques. Là encore, les missions fondamentales du CNL ne semblent pas garanties. C’est pourquoi la commission Poésie s'oppose à la mise en place de la réforme du CNL telle qu'elle est présentée actuellement et demande la suspension immédiate du calendrier afin de mener la concertation qui aurait dû avoir lieu. La commission souscrit à l'Appel pour des Assises du Livre dans les plus brefs délais, car ce rassemblement permettrait de faire dialoguer les divers acteurs du livre, en tenant compte des diversités économiques et culturelles des différents domaines concernés. Nous apprécions particulièrement le CNL, nous défendons la qualité du travail qui y est mené, et c'est pour toutes ces raisons que la commission Poésie s'oppose fermement aux conséquences particulièrement négatives et préjudiciables qu'entraînerait la mise en place de cette réforme.
Anne-James Chaton, Thierry Clermont, Ludovic Degroote, Pascaline Garnier, Tristan Hordé, Eric Houser, Anne Malaprade, Martine Pringuet, Antonio Rodriguez, Caroline Sagot-Duvauroux, Yoann Thommerel, Christiane Veschambre.
D'accord avec les signataires de ce deuxième communiqué de la commission Poésie du CNL.
Je vous joins ce texte écrit le 6 juillet 2012.
Avant de se satisfaire des résultats d'une enquête BVA pour restructurer sans sérieux ni efficacité le CNL, il serait plus urgent et opportun pour certains au CNL de se poser d'autres questions:
- celle de la permissivité et de l'impunité économiques et financières accordées aux grands groupes et multinationales qui ont vassalisé des pans entiers de l'édition, qui ont privilégié la demande à l'offre pour tendre aux consommateurs de livres le visage de la médiocrité - et ce au mépris total des lecteurs épris de découvertes.
- celle de l'absence quasi totale de la poésie dans la diffusion (dont la presse écrite, audiovisuelle), dans la distribution (les machines et circuits de distribution sont optimaux pour les gros tirages, inefficients pour les petits tirages, dont la poésie), celle de l'absence quasi totale de la poésie en librairie et autres points de vente, à l'exception du réseau des librairies de création (indispensable pour la vie des livres).
- celle de l'intensité de la littérature qui est loin d'être dévolue au seul roman (d'autres genres, comme la poésie souffrent des mêmes difficultés pour arriver à leurs publics potentiels, comme le théâtre, l'essai...), alors que comme le rappelait Paul Otchakowky-Laurens la langue s'invente dans la poésie).
- celle de la non-reconnaissance totalement injustifiée de facto du tissu éditorial de rechange que sont les moyennes mais surtout petites et micro maisons d'édition: l'essentiel des nouveautés aujourd'hui se publie là.
Il est impensable et politiquement inopérant de supprimer la commission Poésie: cela revient tout simplement à nier le développement durable du livre et le respect fondamental dû à tout lecteur.
Pour certains au CNL, peut-être, la lecture du livre de Bernard Noël "La Castration mentale" peut contrebalancer la lecture des résultats hâtifs de l'enquête BVA qui ne saurait en aucun cas tenir lieu, n'est-ce pas ?, d'une politique du livre digne de ce nom: pour la poésie et autres genres abandonnés et déshabités par les CAC 40 du système éditorial.
Jean Gabriel Cosculluela, 6 juillet 2012
NB: Comme le font à nouveau les membres de la Commission Poésie du CNL, et comme l'ont fait aussi avant eux les signataires de la première pétition plus élargie, nous n'avons pas à nous poser seulement en signataires de pétitions face à cette restructuration du CNL, mais à imposer aussi nos voix d'acteurs du livre: la décision est inique, car due à une méconnaissance irresponsable du tissu éditorial de la poésie aujourd'hui.
Rédigé par : Cosculluela Jean Gabriel | 12 juillet 2012 à 22:11
"Le poète est en exil, il est exilé de la cité, exilé des occupations réglées et des obligations limitées, de ce qui est résultat, réalité saisissable, pouvoir."
M. Blanchot, L'Espace littéraire, folio essais, p. 318.
Rédigé par : christiane | 12 juillet 2012 à 22:53
Editrice de poésie (editions des vanneaux), j'ai apprécié au cours des années le soutien du CNL et en particulier l'attention bienveillante de Brigitte Comminges, mon interlocutrice de choix, à la commission de poésie. Je souhaite vivement que ce dispositif ne soit pas détruit, cette perspective de changement m'apparaît comme effondrement d'espoir d'être soutenue dans mon effort constant où j'ai quotidiennement l'impression de tirer une charrette trop lourde, et la main sûre et amicale qui aide à pousser malgré les chaos et les nids de poule, est bien nécessaire... Quelles carottes nous propose-t-on pour faire avancer la mule ? Je n'y comprends rien ! Les pétitions m'éclairent un peu mais sont en contradiction avec les déclarations de monsieur Colosimo. Pourquoi ce monsieur cherche-t-il à nous rassurer ? Pourquoi des mensonges ? Qui va en bénéficier ? Qui fait pression ? Sur lui ? Ou bien cherche-t-on à créer un climat de "soupe" vague où la poésie va surnager comme des débris de poisson mort ? C'est quoi cette marée noire ? Au secours !
Rédigé par : Cécile Odartchenko | 13 juillet 2012 à 02:47