Fernand Léger (1881-1955), Le Grand Remorqueur, 1923
Huile sur toile, 125 x 190,6 cm
Biot, Musée national Fernand-Léger,
Donation de Nadia Léger et de Georges Bauquier en 1969
ANIMULA
animula blandula vagula
Chance and chance and thereby starlit
All that was to be to thought
Yes
Comes down the road Air of the waterfronts black air
Over the iron bollard the doors cracked
In the starlight things continue
Narrative their long instruction and the tide running
Strong as a tug’s wake shorelights’
Fractured dances across rough water a music
Who would believe it
Not quite one’s own
With one always the black verse the turn and the turn
At the lens’ focus the crystal pool innavigable
Torrent torment Eden’s
Flooded valley dramas
Of dredged waters
A wind blowing out
And out to sea the late the salt times cling
In panicked
Spirals at the hull’s side sea’s streaks floating
Curved on the sea little pleasant soul wandering
Frightened
The small mid-ocean
Moon lights the winches
George Oppen, Seascape : Needle’s Eye [1972], in New Collected Poems [2002], New Directions Paperbook, New York, NY 10011, 2008, pp. 213-214. Edited by Michael Davidson. Preface by Eliot Weinberger.
ANIMULA
animula blandula vagula
Hasard, hasard et donc lueur des étoiles
Tout ce qui devait être pensé
Oui
Passe par les routes l’air des fronts de mer l’air noir
Au-dessus du bollard en fer les portes défoncées
Sous le ciel étoilé les choses, les choses poursuivent
Leur narration leur longue instruction et la marée montante
Aussi puissante que le sillage d’un remorqueur les danses
Fracturées des lumières de la rive sur l’eau agitée une musique
Qui le croirait
N’appartenant pas à soi
Toujours avec soi le vers noir le tour et le tour
Dans le viseur le bassin de cristal non navigable
Le torrent tourmente la vallée
Engloutie d’Eden les drames
Des eaux draguées
Le vent qui balaie tout
Jusqu’à la mer tardifs les temps de sel s’accrochent
En spirales
Affolées au flanc de la coque les traînées de la mer flottent
Incurvées sur la mer petite âme errante et douce
Terrifiée
En plein océan infime la
Lune éclaire les treuils
George Oppen, Marine : Chat de l’aiguille [1972], Poésie complète, Éditions José Corti, Collection Série américaine, 2011, pp. 242-243. Traduit de l’anglais par Yves di Manno.
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Comment, rencontrant cette petite âme tendre et flottante..., ne pas penser à ce si beau livre de Marguerite Yourcenar : Mémoires d'Hadrien et à l'épitaphe d'Hadrien qu'elle y a mise en exergue ainsi qu'à cette pensée dans le chapitre : Animula vagula blandula, p. 306 (Gallimard - Pléiade) :
"Mais l'esprit humain répugne à s'accepter des mains du hasard, à n'être que le produit passager de chances auxquelles aucun dieu ne préside, surtout pas lui-même. Une partie de chaque vie, et même de chaque vie fort peu digne de regard, se passe à rechercher les raisons d'être, les points de départ, les sources."
Dans tout ce terrible combat des eaux noires si furieuses, de ce vent fou, des astres qui roulent comme les choses dans un ciel vide de sens, dans cette errance amère comme le sel, cette petite âme errante et douce/ Terrifiée est poignante.
Je découvre ce très grand poète américain, George Oppen, avec émotion dans cette écriture pleine de trous de mots et de solitude. Merci à Yves di Manno et à Angèle Paoli.
Rédigé par : christiane | 27 mai 2012 à 19:28