« et comment l'horizon pourrait-il se courber plus »
Ph. D.R.
[J’ENTRAIS ENFIN DANS L’ORDALIE DES CIGALES]
j’entrais enfin dans l’ordalie des cigales par l’action de leurs arbres
l’île poussait son avantage d’expansion jusqu’à la ville
je me trouvais dans l’épaisseur d’un peuple aux diphtongues ouvertes et aux mains heureuses
sur ces plages des hanches précaires encore s’aménageaient entre toi et moi mes mains cherchaient pourtant dans les interstices du rocher les griffures de la mort qui demeurent comme arapèdes sur la fracture des cartilages chaque marche ici gravie est montée vers une Jérusalem totalement dénudée
et sous les pas poudreux ces aiguilles de pins qui bientôt seront serties en couronnes
non loin de là des blocs de rochers se détachent en deux mots et s’en vont
arasant le sens et les lèvres
je suis maintenant me trouve désormais
avec ces pins pliés qui bavent au ras des flots
sur une mer toujours plus vivace
et comment l’horizon pourrait-il se courber plus
cette mer aux embruns d’eucalyptus noue enfin ses racines dans les échancrures claires des collines
et dans le roulis de tes mèches marines je me noie pour me refaire sans haine
soudainement les vagues se mettent à danser comme chiens et chèvres
d’un pays en paix
le déhanchement des flots s’accomplit jusqu’en haut des robes vaporeuses
là où le soleil tombe dans la réconciliation acquise des oliviers
mon suicide m’a nié
nettoyée sont les algues vertes des tripes et je suis simplement heureux de te voir solaire femme traversière effritant les diagonales de la mer
Yves Ughes, Capharnaüm. Douze stations de Judas, L’Amourier éditions, Collection Fonds poésie dirigée par Alain Freixe, 2010, pp. 69-70. |
Retour au répertoire du numéro de février 2012
Retour à l' index des auteurs
Judas...
Vider cette chrysalide de remords pour atteindre le seuil possible de la joie sereine. Une mort qui réparerait une vie inépuisable de doute, de trop d'attente, d'absence. Un cérémonial sous les grands pins lovés par les vents marins. Seul, avec le chant des cigales comme l'épée de Dieu. Un silence pèse trente deniers. Il est possible qu'il nous entraîne dans cette trahison et nous demande de l'accompagner au seuil du neuf. La poésie ? (Magnifique dialogue dans la revue Basilic entre Michaël Glück et Yves Ughes). Se tourner vers ce qu'on ne connaît pas encore et qui semble forcer de naissance "la courbe de l'horizon" comme le ventre de la vierge L'Enceinte de Michël Glück (évoqué par Angèle Paoli dans le billet mis en lien). Ne plus attendre rien en retour de "ces griffures de la mort" sauf la lumière et franchir le seuil, "monter vers une Jérusalem dénudée"...
Alors... dans ce silence grésillant du chant des cigales...
" soudainement les vagues se mettent à danser comme chiens et chèvres
d’un pays en paix "
... et se chargent d'oiseaux.
Rédigé par : christiane | 20 février 2012 à 10:04