« Je regardais les montagnes,
et pensais à cette part de lumière et de beauté
qu’il nous reste encore »
Ph. angèlepaoli
[LES TAUPES SONT DE FINES ÉMIETTEUSES]
Les taupes sont de fines émietteuses. À épuiser mes bras, ou ma peine, dans cette argile lourde, tramée de pierres et de racines enchevêtrées, j’admire, ou envie, la force des petites bêtes aveugles. Appelée au jardin par la douceur de l’air cet après-midi de janvier, j’avais un poids plus que d’argile, pierres et racines à alléger. Assise ou accroupie, et obstinée à éclaircir ce trop de mauvaises herbes, à aérer la terre trop lourde, je recevais la chaleur de l’air comme un bienfait aux épaules, la bonté d’une immense main – la bonté de deux bras immenses, enserrant pour apaiser. Les tas bien triés des cailloux, des branches épineuses et des herbes que l’on dit mauvaises, s’alignaient et j’avançais dans la haie de rosiers. La terre bêchée, piochée, apparaissait plus propre, plus fine, plus sombre au ras des plants. Je regardais les montagnes, et pensais à cette part de lumière et de beauté qu’il nous reste encore – il suffit d’ouvrir les yeux, et de voir. Si lointain, si indifférent qu’on le suppose, si abîmé qu’il semble, le monde visible est encore là notre plus belle part. Dans sa privation, la souffrance doit être plus grande. On peut imaginer les petites taupes sans chagrin. Mais réduites à leur travail de galériennes obstinées, est-ce leur chance pourtant d’être insensibles à la lumière ?
Le soleil de janvier a d’un coup décliné. Un long frisson m’a parcourue, arrachant le châle de chaleur que le jour avait posé sur mes épaules, mais sans rien pouvoir reprendre aux dons que la lumière m’avait faits.
17 janvier 2011
Bernadette Engel-Roux
poème inédit extrait de Journées
pour Terres de femmes (D.R.) |
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Je lisais Plateaux de songe
écoutais votre interview Aubes sur France Culture
totalement ensorcelé, suis resté... La voix, la distance, la proximité...
A vous suivre. Respectueusement.
Rédigé par : Jean-Claude Zannoni | 11 février 2012 à 11:27