« Désormais il est difficile de trouver le chemin qui mène chez vous »
Ph., G.AdC
DER WEG ZU EUCH
« es ist so leicht den weg zu uns zu finden »
(Jan Skácel)
Es war so leicht den weg zu euch zu finden
Aus wolken und wäldern die
aus den nähten platzten fanden sir ihn
noch nachts
Über kimme und korn
kürzten sie ab, die tore standen
angelweit, verwunderung
bis an die schwellen
In der fïnsternis, die sie
vor sich herschoben,
verirrten sie sich
Sie richteten sich ein
auf den brücken
und statt der achsen hörte man
im schlaf die mensche stöhnen
Nun ist es schwer den weg zu euch zu fïnden
LE CHEMIN QUI MÈNE CHEZ VOUS
« c’est si facile de trouver le chemin qui mène chez nous »
(Jan Skácel)
C’était si facile de trouver le chemin qui mène chez vous
Du fond des nuages et des forêts qui
firent éclater leurs coutumes ils le trouvèrent
encore de nuit
Par les crans et points de mire
ils prirent au plus court, les portails étaient
ouverts de tous leurs gonds, étonnement
jusque sur les seuils
Dans les ténèbres qu’ils
poussaient devant eux,
ils s’égarèrent
Ils s’installèrent
sur les ponts
Et au lieu des essieux on entendait
dans leur sommeil gémir les hommes
Désormais il est difficile de trouver le chemin qui mène chez vous
1968
Reiner Kunze, Dialogue avec le merle (1956-1971), in Un jour sur cette terre, Cheyne éditeur, Collection D’une voix l’autre, 2001, pp. 30-31. Édition bilingue. Traduit de l’allemand par Mireille Gansel. Préface d’Emmanuel Terray. Prix Nerval de traduction de la Société des Gens De Lettres 2011.
« Né en 1933 en ex-RDA, Reiner Kunze est certainement l’une des voix les plus intenses de la poésie allemande contemporaine. La force bouleversante de son œuvre est indissociable de l’extrême frugalité de sa parole. Fidèle à un vœu de dépouillement et de nudité, Reiner Kunze intègre au poème toutes les énergies de la patience et du silence pour atteindre à une acuité maximale, à une très limpide et très dense résonance du mot. « Et seul le muet aussi sait ce que cela veut dire / en vain se battre pour un mot ». La profonde humanité de cette poésie s’enracine et se déploie dans sa haute exigence et sa noble intransigeance. L’œuvre de Reiner Kunze connaît en France un rayonnement croissant, principalement grâce aux traductions de Mireille Gansel. Elle a été couronnée en Allemagne par de nombreux prix prestigieux, parmi lesquels le Prix Georg Trakl et le Prix Büchner ».
(Jean-Baptiste Para)
Reiner Kunze... Mireille Gansel...
289 - Nietzsche : Par delà le bien et le mal (10/18), p. 234
"Dans les écrits d'un solitaire, on perçoit toujours comme l'écho du désert, comme le chuchotement de la solitude, et les regards effarouchés qu'il jette à l'entour ; dans ses paroles les plus violentes, dans ses cris même on entend encore une façon neuve et plus dangereuse de se taire, de cacher sa pensée. Celui qui a vécu bon an mal an, nuit et jour seul avec son âme, engagé dans la plus intime des querelles et dans le plus secret des dialogues, dans sa caverne - qui peut être un labyrinthe, ou encore une mine d'or - celui-là est devenu un ours des cavernes et un chercheur de trésors, ou le dragon gardien d'un trésor ; ses idées finissent même par prendre une teinte crépusculaire..."
Oui, une écriture de silence dont l'écho réveille l'ange endormi "au fond des nuages"... qui seul, retrouvera le chemin perdu.
Rédigé par : christiane | 13 décembre 2011 à 09:11