Le
18 octobre 2011 meurt à l’hôpital de Conegliano (province de Trévise, région de Vénétie), des suites de complications respiratoires,
Andrea Zanzotto. Il venait de fêter ses 90 ans le 10 octobre 2011.
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AL MONDO
Mondo, sii, e buono;
esisti buonamente,
fa’ che, cerca di, tendi a, dimmi tutto,
ed ecco che io ribaltavo eludevo
e ogni conclusione era fattiva
non meno che ogni esclusione;
su bravo, esisti,
non accartocciarti in te stesso in me stesso
Io pensavo che il mondo cosí concepito
con questo super-cadere super-morire
il mondo cosí fatturato
fosse soltanto un io male sbozzolato
fossi io indigesto male fantasticante
male fantasticato mal pagato
e non tu, bello, non tu « santo » e « santificato »
un po’ piú in là, da lato, da lato
Fa’ di (ex-de-ob- etc.)-sistere
e oltre tutte le preposizioni note e ignote,
abbi qualche chance,
fa’ buonamente un po’;
il congegno abbia gioco.
Su, bello, su.
Su, münchhausen.
Andrea Zanzotto, La Beltà, Mondadori, 1968, in Andrea Zanzotto, Tutte le poesie, Oscar Mondadori, Collezione Oscar poesia del Novecento, 2011, pagina 267.
AU MONDE
Monde, sois, et sois bon ;
existe bonnement,
fais que, cherche à, tends à, dis-moi tout,
et voici que je renversais, éludais
et toute inclusion n’était pas moins
efficace que toute exclusion ;
allez, mon bon, existe,
ne te recroqueville pas en toi-même, en moi-même
Je pensais que le monde ainsi conçu
dans ce super-choir, super-mourir,
le monde ainsi adultéré,
était seulement un moi mal décoconné,
que j’étais indigeste, mal imaginant,
mal imaginé, mal payé
et non pas toi, mon beau, pas toi, « saint » et « sanctifié »,
un peu plus loin, de côté, de côté
Fais en sorte d’(ex-de-ob, etc.) ― sistere
et au-delà de toutes les prépositions connues et inconnues,
aie quelque chance,
fais bonnement un peu ;
que joue le mécanisme.
Allez, mon beau, allez.
Allez, münchhausen.
Andrea Zanzotto, La Beauté | La Beltà, édition bilingue, Maurice Nadeau, 2000, pp. 80-81. Texte français de Philippe Di Meo, préface d’Eugenio Montale.
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* NOTE D’AP : est sorti en octobre 2011 en Italie le dernier titre d’Oscar Mondadori (collection Oscar poesia del Novecento) : Tutte le poesie d’Andrea Zanzotto (1 312 pages), qui rassemble l’intégralité de la production poétique de son auteur. Introduction de Stefano Dal Bianco.
Le moment est venu de vous dire adieu à mon tour, cher Andrea. Je n’oublie pas la joie surprise que me fit votre première lettre, à laquelle je répondis en vous envoyant un perce-neige que j’avais cueilli pour vous dans le jardin. Vous m’avez répondu en me donnant les noms de cette fleur en dialectes frioulan et vénitien, et je vous ai répondu en vous donnant leurs noms bretons. Et ainsi de suite.
Nous avions en commun la Résistance où vous avez pris parti les armes à la main, tandis que mon enfance se passait dans les horreurs de la guerre. Nous étions tous deux amoureux du " paysage".
Vous parcouriez les chemins de Pieve-di-Soligo, moi ceux de L'Ile Grande.
Bien sûr, vous écriviez avec maestria, moi beaucoup plus modestement.
Une souffrance secrète aussi nous unissait : une phobie sociale qui nous fit, et me fait encore, beaucoup souffrir. Nous n'avons ainsi jamais fréquenté les moindres salons de la modernité. Et il me semble qu'il en a été bien tant pour vous que pour moi. La seule vue d'un églantier nous ravissait. Et notre attachement ― que d'aucuns ont jugé pathologique tant pour vous que pour moi ― à notre lignage de gens pauvres a scellé notre amitié.
A présent, vous reposez dans le petit cimetière frioulan où la neige ne va pas tarder à tomber. J'aurais souhaité que votre tombe soit couverte de ces petites fleurs tellement vaillantes, tellement à votre image, et à l'image de votre oeuvre. Car celle-ci nous reste, et nous la relisons toujours avec le même ravissement, la même émotion aussi.
Cher Andrea, je vous dois beaucoup et en ces temps où les occupations humaines se dédient trop souvent à l'"instinct de mort", sachez combien votre absence me touche. Car vous étiez principe de vie et d'espérance. Je me permets, cher Andrea, de vous dire donc adieu comme il convient de le faire quand on a, comme moi, beaucoup reçu de vous.
Adieu donc, cher Andrea !
Denise
Rédigé par : Denise Le Dantec | 02 novembre 2011 à 17:31