Le
10 octobre 1921 naît à Pieve-di-Soligo, dans la province de Trévise (Vénétie),
Andrea Zanzotto.
Source
[AMORI IMPOSSIBILI]
Amori impossibili come
sono effettivamente impossibili le colline
Non è possibile che tanto amore
in esse venga apertamente
dato
e al tempo stesso dissimulato, anzi
reso inaccessibile
Serie senza requie di inaccessibilità
che pur fa da accattivante
ingradante tappeto sulla
più grande breccia demenza desuetudine
Colline ricche di mille pericoli di morte
per quietamente
per avventato soccorrere
tra cielitudini
per insufficienza di attenzione a sé ―
di sorte in sorte
«intralcerà» «si defilerà»
Andrea Zanzotto, Fosfeni, Milano, Mondadori, Lo Specchio, 1983, in Andrea Zanzotto, Tutte le poesie, Oscar Mondadori, Collezione Oscar poesia del Novecento, 2011, pagina 622.
[AMOURS IMPOSSIBLES]
Amours impossibles comme
sont effectivement impossibles les collines
Il n’est pas possible que tant d’amour
soit en elles ouvertement
donné
et dans le même temps dissimulé, et d’ailleurs
rendu inaccessible
Incessante série d’inaccessibilités
qui joue cependant comme tapis
captivant, évoluant sur la
plus grande brèche démence désuétude
Collines riches de mille dangers de mort
pour en toute quiétude
pour hasardeux secourir
parmi des ciélitudes
pour insuffisance d’attention à soi ―
de fortune en fortune
« il entravera » « il se défilera »
Andrea Zanzotto, Phosphènes, Éditions José Corti, 2010, pp. 26-27. Traduit de l’italien et du dialecte haut-trévisan (Vénétie) et présenté par Philippe Di Meo.
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
(rédigée par Yves Thomas, éditeur-webmestre de Terres de femmes)
Andrea Zanzotto est une des voix les plus fortes et les plus singulières de la poésie italienne contemporaine. Né le 10 octobre 1921 à Pieve-di-Soligo (province de Trévise), il achève des études de lettres à l’université de Padoue avant de voyager en France, puis en Suisse. Il revient ensuite dans sa région natale, ciment et enracinement « ethnique » de toute son œuvre poétique ; c’est d’ailleurs à Pieve-di-Soligo qu’il a enseigné jusqu’à son départ à la retraite.
Ses premiers recueils de poèmes — Vers, dans le paysage (Dietro il paesaggio, 1951; trad. fr., 1986) et Élégie et autres vers (Elegia ed altri versi, 1954) —, ont pour toile de fond le paysage de Vénétie. Mais un paysage nostalgique, qu’il sent de plus en plus sous la menace des « imparfaites perfections » d’une modernité envahissante. Dans ses poèmes, son amour/frayeur (« afrore/amore ») est mis en correspondance avec de multiples références à Pétrarque, Leopardi, Hölderlin ou Mallarmé, points cardinaux presque sacerdotaux, à la fois repères d’ordonnancement, poches de résistance, mais aussi alphabets métaphysiques.
Vocatif (Vocativo, 1957) marque la fin de la première période de sa production poétique et une certaine distanciation par rapport à l’hermétisme et à ses modèles (Mario Luzi, Piero Bigongiari et, plus particulièrement, Giuseppe Ungaretti qui, le premier, avait remarqué l’originalité de son talent). Zanzotto entreprend dès lors une vaste recherche expérimentale portant sur le langage, et qui rende compte de l’authentique dévastation de la nouvelle réalité industrielle et de la névrose consumériste dont il fait de plus en plus le constat angoissé et traumatisant, tant sur le plan écologique que sur celui d’une « écologie de l’esprit ». Comme le souligne Zanzotto dans « Prospezioni e consuntivi, Entro Passato prossimo e presente moto », « j’utilise le mot dévastation, car on assiste à une prolifération-métastase de survies distordues, de synchronies et d’achronies vénéneuses, d’inversions de sens… une corruption qui s’est avérée dès la fin des années quatre-vingt ». Aussi ses vers se donnent-ils comme point de départ une réflexion sémantique sur la valeur du langage et du matériau poétique. Cet expérimentalisme se traduit sur le plan syntaxique et stylistique par le déploiement proliférant et ardent d’une gamme étendue – quasi spéculaire – de codes et de registres linguistiques, de la langue littéraire la plus soutenue au dialecte vénitien, en passant par toutes sortes d’expressions issues de langues étrangères ou de langues anciennes (latin ou provençal), d’idiomes (technolectes inspirés entre autres de l’astrophysique, de la psychologie, de la microbiologie ou des mass media), de néologismes, de lexiques composites ou de registres divers (du plus soutenu au plus familier ou du plus populaire au plus puéril, notamment le « petèl », le babil enfantin de la province de Trévise). Mais cette plongée pluridirectionnelle au cœur du langage se traduit aussi par une attention soutenue pour tous ses composants phonologiques (sons, rythme, timbres) et leurs possibles entrées en résonance.
Les nombreux recueils qu’Andrea Zanzotto a publiés à partir des années soixante sont les suivants : IX Ecloghe (1962), La Beauté (La Beltà, 1968 ; trad. fr., 2000), Gli sguardi i fatti e senhal (1969), Les Pâques (Pasque, 1973 ; trad. fr., 1999 et 2004 [éditions NOUS]), La Veillée (Filò, Per il Casanova di Fellini, 1976), la mythologique trilogie le Galaté au bois (Il Galateo in bosco, 1978 ; trad. fr., 1986), Phosphènes (Fosfeni, 1983 ; trad. fr., 2010) et Idiome (Idioma, 1986; trad. fr., 2006), puis Météo (Meteo, 1996 ; trad. fr., 2000) et Surimpressions (Sovrimpressioni, 2001 ; trad. fr., 2016). On doit aussi à Zanzotto une production comprenant des récits et proses (Au-delà de la brûlante chaleur [Sull’altopiano ; trad. fr., 1997], 1964) et des essais critiques rassemblés dans deux recueils, Fantasie di avvicinamento. Le Letture di un poeta (1991) et Aure e disincanti nel Novecento letterario (1994).
Andrea Zanzotto est mort à l’hôpital de Conegliano le 18 octobre 2011.
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* NOTE D’AP : peu avant la mort d'Andrea Zanzoto est sorti dans la collection Oscar poesia del Novecento : Tutte le poesie d’Andrea Zanzotto (1 312 pages), qui rassemble l’intégralité de la production poétique de son auteur. Introduction de Stefano Dal Bianco.
Je connais très peu, mais ai lu un court essai, très dense, autant dire superbe, qu'il avait écrit sur Giuseppe Ungaretti, dans un numéro d'Europe consacré à Philippe Jaccottet. Bon soir à vous.
Rédigé par : Marline | 18 octobre 2011 à 18:50