Le soleil du matin sur les pierres, le bois usé par le temps, une douceur difficilement exprimable — d’autant que l’air est presque immobile, le mouvement des feuillages silencieux — comme d’un enfant qui bouge la main en rêve. Les fleurs du laurier-rose toujours fleuries, depuis des semaines — si mystérieuses pour peu qu’on y pense. Pourquoi a-t-il fallu qu’il y ait des fleurs — des couleurs ? Leur rose — sans pareil : une fraîcheur. Ou comme quand les enfants portent des lanternes éclairées, pour des fêtes. Lanternes en plein jour. Mais aussi efflorescences de la terre, métamorphose, la monnaie, la petite monnaie des graines. La force qu’elles recèlent, qui fait qu’elles se brisent, laissent pousser hors d’elles une tige fragile, etc.
La graine de l’âme ? Nous dans le corps maternel.
Fleurs pour passer le fleuve des enfers, graines ou oboles.
L’esprit voudrait s’en servir comme de lanterne celui qui conduit une barque sur des rivières, la nuit.
« Vous êtes embarqués… »
Comme celui qui allume une lanterne à l’avant de sa barque s’il s’aventure la nuit dans les passes entre les roseaux,
prends cette fleur pour t’éclairer dans la traversée du jour…
Même le jour, même la plus vive lumière, même le très doux septembre ne sont pas faciles à traverser…
Philippe Jaccottet, La Seconde Semaison, Carnets 1980-1994, Éditions Gallimard, Collection blanche, 1996, pp. 41-42 ; Œuvres, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2014, page 880. |
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