READING DON QUIXOTE
A child, I thought summer would solve all things,
But this illusion passed with unseen springs.
The flowers that bloomed at home were dead at school,
And youth was born to die in Liverpool,
Or in Sierra Leone, with the shakes.
The yearning reappeared as spring in books,
The poem read in drugstore magazines,
Half understood — the glass holds what it means —
Then vanished with girls who never turned round,
Fled palette faces sucked into the ground.
The sea came then, cobalt or whisky brown,
Always far, and by different name,
Archangel, Surabay, or Tlalpam…
The disued longing settled on a town
And then I saw that death was all my search,
But reigned up on the threshold of the church,
Angry with hope that on secular dawn
Would bring with it at last enlightened scorn.
Yet for all this I am still at suckle :
The tavern is the center of my circle.
Malcolm Lowry, “Reading Don Quixote” in X, A Quarterly Review, 2, 2, 1961, August, p. 87.*
* NOTE D’AP : poème repris dans The Collected Poetry of Malcolm Lowry, edited and introduced by Kathleen Scherf ; with explanatory annotation by Chris Ackerley. Published 1991, December, by University of British Columbia Press, Vancouver, BC.
DON QUICHOTTE
Enfant, je pensais que l’été résoudrait tout ;
Cette illusion m’est morte d’avoir vu tant de printemps manqués.
Les fleurs qui s’ouvraient à la maison se fermaient à l’école ;
La jeunesse naissait pour mourir à Liverpool,
Comme en Sierra Leone avec les séismes.
La tentation revenait comme le printemps dans les livres,
Un poème lu dans un magazine à deux sous,
À moitié compris — la vitrine retenant le sens —
Puis disparaissaient avec les filles qui jamais ne se retournaient,
Pâles visages entrevus qu’aspirait le sol.
Alors venait la mer, cobalt ou couleur de whisky,
La vieille nostalgie se portait sur une ville
Toujours au loin, sous un nom différent,
Arkhangelsk, Surabaya, ou Tlalpam…
Puis je compris que je ne cherchais que la mort,
Mais je régnais au seuil du temple,
Furieux de l’espoir qu’une aube séculaire
Apporterait enfin la sérénité.
Pour tout cela je suis encore l’animal qui tète :
La taverne au centre de mon cercle.
Malcolm Lowry, in Les Lettres Nouvelles, mai-juin 1970, page 87. Traduit de l’anglais par Serge Fauchereau.*
* Note d’AP : l’œuvre poétique complète de Malcolm Lowry a fait l’objet en 2005 d’une publication chez l’éditeur Denoël. Cette édition rassemble près de 500 textes, traduits de l’anglais par Jacques Darras. Mais, hélas, cet ouvrage n’est pas une édition bilingue. Le poème ci-dessus y a été inclus parmi les Poèmes de Vancouver, sous le titre « Poème influencé par John Davenport et Cervantès ». Ci-dessous la traduction correspondante :
POÈME INFLUENCÉ PAR JOHN DAVENPORT ET CERVANTÈS
Enfant, je croyais que l’été allait tout résoudre
Mais l’illusion passa à longueur de printemps invisibles.
Les fleurs qui fleurissaient chez nous étaient fanées à l’école ;
La jeunesse naissait à Liverpool pour y mourir,
Aussi bien qu’à Sierra Leone, d’une attaque de tremblote.
Le désir reparut avec le visage du printemps dans les livres,
Tel poème qu’on lisait dans les magazines de drugstore,
À moitié compris — le verre, lui, contient sa signification pleine —
Avant de s’évaporer avec les filles qui n’arrivaient jamais,
D’échapper aux faces pareilles à des palettes sucées par le sol.
Alors vint la mer, cobalt ou jaune whisky,
Le désir inutilisé se posa sur une ville
Toujours lointaine, au nom sans cesse changeant,
Arkhangelsk, Surabaya, ou Tlalpam,
Ou bien se fondit dans des emblèmes de liberté jamais
Rachetés par la volonté, d’ailleurs ils ne le furent jamais,
Je compris alors que la mort était ma seule quête,
Mais qu’elle trônait très haut sur le seuil des églises,
Espérant coléreusement voir telle matinée d’aube séculaire
Lui faire enfin cadeau d’un mépris éclairé.
En dépit de cela mon sevrage n’est pas prêt :
La taverne demeurant le centre de mon cercle.
Malcolm Lowry, 3. Poèmes de Vancouver, XXVI, Poésies complètes, Denoël & D’ailleurs, 2005, pp. 122-123. Traduit de l’anglais par Jacques Darras.
Texte exceptionnel, de flamboyance, de vision.
Comme quelques autres parmi les derniers.
Passeurs en poésie,
Bien à vous
Rédigé par : S. Apajou | 07 septembre 2011 à 15:45