Qui que tu sois, le soir sors, sors de ta chambre où tout est connu ; ta maison, c’est la dernière avant l’étendue, qui que tu sois. Avec tes yeux qui fatigués peinent à se délivrer de l’usure du seuil, tu lèves un arbre noir, lentement, à peine, et le plantes devant le ciel : svelte, seul. Et tu as fait le monde. Et il est grand, pareil à un mot qui mûrit encore dans le silence. Et comme ta volonté comprend son sens, tes yeux de lui se détachent tendrement… Rainer Maria Rilke, Le Livre des images, Première partie du premier livre, in Œuvres poétiques et théâtrales, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1997, page 193. Traduction de Jean-Claude Crespy. |
RAINER MARIA RILKE Source ■ Rainer Maria Rilke sur Terres de femmes ▼ → 4 décembre 1875 | Naissance de Rainer Maria Rilke → 15 avril 1904 | Lettre de Rilke à Lou Andreas-Salomé → 12 août 1904 | Lettre à un jeune poète (extrait) → 13 mars 1908 | Lettre de Rilke à Mimi Romanelli → 26 décembre 1908 | Rainer-Maria Rilke, Lettre à un jeune poète → 20 février 1921 | Lettre de Rilke à Merline → 30 décembre 1926 | Mort de Rainer Maria Rilke (+ Lettre posthume de Marina Tsvétaïeva à Rilke) → Chemins de la vie → Je voudrais tendre des tissus de pourpre → « Respirer, invisible poème ! » ■ Voir aussi ▼ → (sur Terres de femmes) 12 avril 1926 | Lettre de Pasternak à Rilke |
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Rilke... une écriture si délicate pour s'approcher du coeur inconnu... J'aime cet entre-deux furtif, presque insaisissable entre angoisse et consolation, cette "ouverture", cet appel. Un poème où je ne peux demeurer car l'instant est magique et les mots s'enfuiraient... mais que c'est beau...
Rédigé par : christiane | 05 août 2011 à 10:50
Et dire que je n'ai pas encore pris le temps de lire "Lettres à un jeune poète"...
Bonne soirée.
Rédigé par : araucaria | 05 août 2011 à 19:26
Je ne m’interdirais pas de prendre véritablement le monde comme "un mot qui mûrit dans le silence" à condition de rajouter à ma compréhension du monde une définition qui me le rendrait moins hostile quand j’aurais envie de le prendre dans ma main et l’étreindre dans mon cœur .
Qu’il est dense ce vers, qu’il est colossal ou trop complet même ! Mais combien il me fait conséquemment souffrir quand je pénètre son sens, moins munie que Rilke certainement, et comprends que le mot qui mûrit en silence étalera ses fruits au-delà du monde et de son effervescence !
Oserons-nous un jour se détacher de notre appartenance à Rilke pour voir moins crucial et vivre moins indécis ? Car rien ne gâche infiniment notre bonheur nonchalant que de le mettre en équivalence avec un mot qui enfante en dehors du monde.
Rilke a pourtant osé nous suspendre comme des damnés à ses « moi » fantômes et à ses mots non encore enfantés.
Rédigé par : Mahdia Benguesmia | 06 août 2011 à 06:14