Source VICO Sainte-Marie Siché, 28 juillet 1890. ― Vico est un simple hameau dont les maisons blanches et ensoleillées s’élèvent à l’ombre des vieux ormeaux. De mes fenêtres largement ouvertes, le matin, quand une brume légère encore se drape mollement sur les branches et les buissons, voilant avec pudeur les chastes amours du petit insecte tapi sous la mousse fleurie et les frémissements d’ailes sous la ramure, quand le soleil, illuminant l’azur, lentement se montre à l’horizon, je songe et j’envie cette poignée de mortels qui, dans le vaste univers, a eu l’heureuse chance d’être placée en cet endroit prédestiné. Loin du bruit des villes, les noirs soucis, les passions violentes, les haines des méchants les atteignent-ils ? Je ne puis le croire ; ils doivent au sein du calme bonheur naître, vivre, s’aimer et mourir en bénissant Dieu. Une des maisons de Vico domine les autres ; elle paraît être la souche autour de laquelle les faibles rejetons sont venus se grouper. J’ai en effet sous les yeux l’antique berceau de la famille d’Ornano, qui a donné trois maréchaux à la France. À côté du principal corps de logis, qui a une belle apparence, mais qui ressemble à une vaste habitation du continent sans aucun cachet spécial, se dresse la tour ; c’est le vrai manoir du Moyen Âge en Corse. Cette construction est élevée à quarante pieds au-dessus du sol ; ailleurs cela se nommerait un colombier, ici c’est le château fort. La porte ogivale, longue et étroite, s’ouvre sur un escalier de pierre de huit à dix marches fort raide. Les fenêtres sont hautes et resserrées ; en temps de vendetta ou de guerre on les garnit dans la partie inférieure de grosses bûches, cela s’appelle des archères, et l’on peut par ces meurtrières tirer à couvert sur les assaillants. La famille d’Ornano compte parmi ses ancêtres l’illustre Sampiero Corse, dont la vaillante et glorieuse épée est conservée religieusement à Vico, dans cette maison même, par ses descendants. Sur la tour, au-dessus de la porte, le prince Napoléon a fait placer en 1876 une plaque commémorative portant cette inscription POUR PERPÉTUER LE SOUVENIR
DE SAMPIERO ET DONNER UN TÉMOIGNAGE D’ADMIRATION À UN DES GRANDS HOMMES DE LA CORSE
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■ Julie Beaulieu-Delbet sur Terres de femmes ▼ → 23 août 1890 | Julie Beaulieu-Delbet, Souvenirs de Corse |
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Superbe texte, merci! Je note la référence de l'ouvrage. J'aime retrouver la Corse des XIXe ou début XXe siècles. Vous connaissez certainement les livres de Lorenzi de Bradi, je m'en délecte sans modération.
Douce journée.
Rédigé par : araucaria | 29 juillet 2011 à 08:21