[TU ENTENDS : C’EST PROCHE UN TUMULTE DE FAUVETTES]
Ph. angèlepaoli
Tu entends : c’est proche un tumulte de fauvettes
Dans l’air ébouriffé du matin où le gris
S’agrémente du liseron et de la mauve.
De contentement la chienne danse et aboie,
Mêle aux feuillages sa robe d’épagneule,
Court après rien que nous sachions, hume et s’empare
Du chemin de traverse où les dactyles croissent
Contre la fougère et l’ortie en une vague
Qui aime au vent s’offrir et dédier ses ondes.
L’heure est à la musique à cause des élytres
Comme des ailes dont les vibrations viennent
S’entretisser au silence où les végétaux
Vivent virides et patients dans la simple
Présence et dans la contemplation du vide.
(Vendredi 16 juillet 1999.)
Robert Marteau, Le Temps ordinaire, Éditions Champ Vallon, 2009, page 68.
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Cette poésie est superbe. Merci pour le partage.
Il est bon de venir promener dans votre espace.
Douce journée.
Rédigé par : araucaria | 18 juillet 2011 à 09:34
Ce poème... indépendance, éloignement d'un souci d'être. Apprendre des oiseaux, des plantes la douceur de vivre. Etre heureux du rien, sans raison parce que c'est un ciel d'été, un temps ouvert dans un monde serein qu'on accepte de ne pas saisir. Immobile, radieux. Eloigner les pensées moroses jusqu'à la vacance de l'âme.
Alors, les fauvettes, l'arbre, les fleurs, le chien, les insectes et même le vent, viennent. Simplicité d'une joie possible, même... éphémère... C'est parfois une résistance, une liberté, une volonté.
Cette photographie est très belle...
Rédigé par : christiane | 18 juillet 2011 à 21:25
Je reviens à cette photographie. Il m'a fallu du temps pour la comprendre, pour comprendre la fascination qu'elle exerce dans mon imaginaire. Je crois que j'ai commencé à comprendre. Elle est prise par un oiseau, de l'intérieur de l'arbre. Le monde important est dans le feuillage, son ombre, ses non-dits, ses refuges. Le village est au loin, écrasé de soleil, flou. Ce qui est important c'est ce qui se joue là, depuis l'arbre.
Robert Marteau parle depuis l'arbre et ce poème en naît.
Angèle Paoli se tait depuis l'arbre et la photographie en naît.
Ces deux-là sont un peu dans l'entre-deux d'une nature sans l'homme nommée depuis l'homme.
C'est comme un paradoxe, une divination. Deux êtres qui relient...
Rédigé par : christiane | 19 juillet 2011 à 13:38
Oh, j'ai trouvé, chers poètes et cela m'a réveillé ! ce fragment :
"...Comme des ailes dont les vibrations viennent
S’entretisser au silence où les végétaux... "
cette photographie...
et ces lignes du roman de Salvatore Satta (Le Jour du jugement) que je soulignais dans le métro, hier, pages 52/53 (Folio 2131):
" Il en est [des oiseaux] qui sautillent entre les branches, et c'est un frémissement court parmi les feuilles, vite apaisé. J'ai toujours songé qu'entre les plantes, les animaux et le vent, il existe une relation occulte. Ce n'est jamais sans raison qu'un oiselet se pose dans le feuillage, ce n'est jamais sans raison que le vent remue les hautes cimes des arbres, et il n'y a que nous pour nous figurer que ceux-ci sont immobiles (...). Leur animation (...) s'apparie à celle de la mer (...). De plus, le mouvement des arbres va vers le haut, dans une joyeuse conquête du ciel, qui nous est interdite...".
C'est exactement cela. Cette photographie est magique, ce poème aussi. J'y suis revenue (On ne revient jamais assez visiter un poème et une image). Le bouquet de feuilles est devenu oiseau prêt à s'envoler. C'est exactement comme cela que j'aurai dessiné d'un trait rapide le froufrou d'ailes d'un oiseau battant l'air rapidement avec un bruit d'élytres. Et voilà que les trois créations se répondent et je ne vais pas pouvoir me rendormir tant c'est magique et beau.
Bonne nuit, immense et habitée, chers poètes. Vous êtes trois maintenant, reliés, au-delà de la vie et de la mort - car ce livre a été édité quatre ans après sa mort, en 1979... !
Rédigé par : christiane | 22 juillet 2011 à 03:18