Le
27 juin 2003 meurt à Milan
Giuseppe Pontiggia.
Essayiste et critique, Giuseppe Pontiggia (né à Côme le 25 septembre 1934) a fait partie du mouvement littéraire d’avant-garde Gruppo 63. Il a consacré une grande part de sa réflexion aux techniques narratives (notamment dans l’œuvre d’Italo Svevo) autour de la revue milanaise Il Verri que dirigeait Luciano Anceschi. Mais il a été aussi écrivain et son roman autobiographique La morte in banca, entrepris depuis 1952 et publié en 1959 dans les “Quaderni” de la revue Il Verri, retrace l’expérience initiale vécue par l’auteur dans la banque qui l’a employé dès sa dix-septième année.
En 1961, sur les conseils d'Elio Vittorini, il abandonne la banque pour l’enseignement et pour l'écriture, et approfondit sa connaissance des auteurs grecs et latins. En 1968, il publie son second roman L’arte della fuga (Adelphi Edizioni, version corrigée 1990), puis, en 1978, Il giocatore invisibile (Mondadori, Prix Campiello 1978 ; trad. fr. : Le Joueur invisible, éd. Maurice Nadeau, 1985). Suivent Il raggio d’ombra (Mondadori, 1983 ; deuxième édition : 1988 ; trad. fr. : Le Rayon d’ombre, éd. Maurice Nadeau, 1988), La grande sera (Mondadori, 1989, Prix Strega 1994 ; trad. fr. : La Comptabilité céleste, Albin Michel, 1991 ; Le Livre de Poche, 1993), Vite di uomini non illustri (Leonardo Editore e Mondadori, 1994 ; trad. fr. : Vies des hommes non illustres, Albin Michel, 1995), Nati due volte (Mondadori, 2000 ; trad. fr. : Nés deux fois, Seuil, 2002), Prima persona (Mondadori, 2002) et Il residence delle ombre cinesi (Mondadori, 2003, posth.).
Traducteur des auteurs latins Ausone, Macrobe, Salluste, Lucain,... conseiller littéraire des maisons d’édition Mondadori et Adelphi, Giuseppe Pontiggia est l’auteur de plusieurs recueils d’essais, où sont regroupées ses chroniques et certaines de ses critiques littéraires, publiées notamment dans le journal Il Sole/24 Ore : Il giardino delle Esperidi (Adelphi Edizioni, 1984 ; trad. fr. : Le Jardin des Hespérides, José Corti, 1996), Le sabbie immobili (Il Mulino, 1991), L’isola volante (Mondadori, 1996, I contemporanei del futuro: viaggio nei classici (Mondadori, 1998), Leggere (Lucini, 2004, posth.) et I classici in prima persona (Mondadori, 2006, posth.). Les œuvres de Giuseppe Pontiggia ont été regroupées en un volume de 2094 pages par l’éditeur milanais Mondadori en janvier 2010.
L’édition française de Portrait de l’artiste de taille (éditions Babel-Bilingues, 75004 Paris) ― dont on trouvera un extrait ci-dessous ― regroupe la majeure partie des textes des deux premiers essais.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Ph., G.AdC
IL LETTERATO E L’INESISTENZA
C’è una paura che segue il letterato come la sua ombra: quella di non esistere.
Il dramma comincia prima dell’esordio. E’ il periodo della clandestinità.
Il letterato capisce, parlando con i suoi colleghi immaginari, di non esistere.
Allora lo anticipa lui stesso, con quel finto coraggio che nasce dal panico e che ci consegna indifesi al sorriso del nemico.
Fosse più esperto, tacerebbe, come fanno certi letterati sornioni che fondano sulla loro inesistenza appartata il loro diritto di esistere.
Ma non sarebbe un esordiente.
Il caso si rivelerà però più grave, anche se non più serio, di quanto appaia all’inizio.
Vedendo il suo nome stampato per la prima volta, si accorgerà, dopo attimi di immortalità, che neanche questo basta.
Molti tra i suoi colleghi non l’hanno letto.
Molti lo ignorano con indifferenza.
Allora differirà la nascita a una pubblicazione ulteriore:
A una rivista.
Alla presentazione di un critico.
Alla plaquette.
Ma il senso della inesistenza non si attenua con il passare degli anni, anzi si accentua.
Cambiano solo le circostanze in cui si manifesta, stringendo improvviso il cuore del letterato.
Pochi vi si sottraggono.
Ci sono i censimenti periodici della sua esistenza.
Appuntamenti drammatici : editori, antologie, dizionari, recensioni, citazioni, bilanci, consuntivi, premi.
Ogni volta il letterato rimette in discussione il suo destino.
In questo la sua condizione assomiglia a quella dell’adolescente, cui basta un giudizio altrui per pensare di sé o il meglio o il peggio.
Questa caratteristica può essere scambiata per eterna giovinezza e spiega certe reazioni del letterato di fronte ai problemi della vita.
Esclusioni o inclusioni diventano sentenze capitali o passaporti per l’Olimpo.
Non sono né l’una cosa né l’altra.
Di solito riguardano sopratutto chi le decide.
Ma il letterato cammina sul ciglio della inesistenza: e il timore di essere nuovamente inghiottito dall’abisso ricorre con un andamento a spirale.
Ph., G.AdC
L’HOMME DE LETTRES ET L’INEXISTENCE
Il est une peur qui suit l’homme de lettres comme son ombre : celle de ne pas exister.
Le drame commence avant ses débuts. C’est la période de la clandestinité.
En parlant avec ses collègues imaginaires, l’homme de lettres comprend qu’il n’existe pas.
Alors, il prend lui-même les devants avec ce fallacieux courage qui, né de la panique, nous livre sans défense au sourire de l’ennemi.
Serait-il plus chevronné qu’il garderait le silence, à l’instar de ces hommes de lettres madrés qui fondent leur droit à exister sur une inexistence retirée.
Mais il ne serait pas un débutant.
Cependant, l’affaire se révèlera sinon plus sérieuse, au moins plus grave qu’elle ne le paraît de prime abord.
En voyant son nom imprimé pour la première fois, il s’apercevra, après quelques instants d’immortalité, que cela non plus ne suffit pas.
Nombre de ses collègues ne l’ont pas lu.
Beaucoup l’ignorent avec indifférence.
Alors il remettra sa naissance à une publication ultérieure :
À une revue.
À la présentation d’un critique.
À la plaquette.
Mais la sensation d’inexistence ne s’atténue pas au fil des ans ; elle s’accentue.
Seules changent les circonstances dans lesquelles elle se manifeste en serrant soudain le cœur de l’homme de lettres.
Peu d’entre eux y échappent.
Il y a les recensements périodiques de son existence.
Autant de rendez-vous dramatiques : éditeurs, anthologies, dictionnaires, articles, citations, bilans, palmarès, prix.
L’homme de lettres remet chaque fois en question son propre destin.
En cela, sa condition ressemble à celle de l’adolescent qui n’a besoin que du jugement d’autrui pour avoir de soi la pire ou la meilleure des opinions.
On peut prendre une telle caractéristique pour de l’éternelle jeunesse, et cela explique certaines réactions de l’homme de lettres face aux problèmes de la vie.
Exclusions ou adhésions deviennent des sentences capitales ou des passeports pour l’Olympe.
Elles ne sont ni l’un ni l’autre.
D’ordinaire, elles intéressent surtout celui qui en décide.
Mais l’homme de lettres se meut à la lisière de l’inexistence : et la crainte d’être de nouveau happé par l’abîme revient périodiquement suivant un tracé en spirale.
Giuseppe Pontiggia, Portrait de l’artiste de taille, édition bilingue, Les Bilingues de Babel, 1995, pp. 110-111-112-113-114-115. Traduit de l’italien par François Bouchard.
Oui, complètement d'accord et cela... sans fin.
Bien à vous.
Rédigé par : Alain Gojosso | 29 juin 2011 à 09:52
Excellente idée de remettre en lumière l'œuvre de Pontiggia — Le Jardin des Hespérides est une leçon de lecture, le roman Le Joueur invisible aussi passionnant que son titre, et Pontigia a été bien servi par ses traducteurs. De belles traductions à lire également dans la revue Conférence.
Rédigé par : Tristan Hordé | 29 juin 2011 à 10:39