Cos’è un lago? Le ciglia sono tese, tutto è cristallino, solo lacrima, a volte, per il vento, o per un brusco addio. Guarda quei prati, sono palpebre annerite dal poco sonno, s’illumina per un raggio di sole, per parole tenere sussurate al buio, non vede, ma ti guarda, sempre, ad ogni ora, e non sarai mai sola sulla sua riva. In superficie è azzurrità, il fondo è ghiaccio che sciolto si trascina a valle finché l’inghiotte l’antro della pupilla: immagini in frantumi, ad ogni goccia, e quanti cadaveri sull’iride ancora vivi dell’istante dello scatto. E pesci in cerchi a danza nel fondo prosciugato delle orbite. Un lago è il grande occhio della terra. Pure, quando è notte, qualcuno lancia sassi sull’acqua, cosí, per gioco, o per noia. L’acqua ne ha male, s’oscura come pece, mentre ridono di lei gli ubriachi sulla sponda. Ma non lacrime, non grida, non dolore. A ben altro prezzo si merita il pianto, dice ora ai cani, alle loro nude stelle. Fabio Scotto, A riva, NEM | Nuova Editrice Magenta di Poiesis, Varese, 2009, pagina 44. REGARD SOMBRE Qu’est-ce qu’un lac ? Des cils tendus, tout est cristallin, parfois il larmoie sous l’effet du vent ou d’un brusque adieu. Regarde ces prés, ce sont des paupières cernées par manque de sommeil ; un rayon de soleil l’illumine, ou bien des mots tendres murmurés dans l’ombre ; il ne voit pas mais te regarde toujours, à toute heure, et tu ne seras jamais seule sur ses rives. En surface il n’est qu’azur, mais au fond c’est de la glace fondue qu’il entraîne vers l’aval jusqu’à ce que l’antre de la pupille l’avale : débris d’images à chaque goutte ; et que de cadavres sur l’iris dont l’instant du déclic prolonge la vie… Et que de poissons dansant en cercle sur le fond asséché des orbites… Un lac est le grand œil de la terre. Pourtant, la nuit venue, quelqu’un lance des cailloux sur l’eau, par jeu ou par ennui. L’eau accuse le coup, devient noire comme poix, tandis que les ivrognes se moquent d’elle sur le rivage. Mais ni larmes, ni cri ni douleur. C’est à bien plus haut prix qu’on mérite des pleurs, dit-elle à présent aux chiens, à leurs étoiles nues. Fabio Scotto, Sur cette rive, L’Amourier éditions, 2011, page 67. Traduit de l’italien par Patrice Dyerval Angelini. Préfacé par Yves Bonnefoy. |
FABIO SCOTTO ■ Fabio Scotto sur Terres de femmes ▼ → A riva | Sur cette rive (lecture d'AP) → Ces paroles échangées (poème issu du recueil L'intoccabile) → China sull’acqua… (traductions croisées) → Le Corps du sable (lecture d'AP) → Je t’embrasse les yeux fermés (poème issu du recueil Le Corps du sable) → [Il volto avvolto dalle fiamme s’abbruna] (poème issu du recueil La nudità del vestito) → Tra le vene del mondo (extrait de La Grecia è morta e altre poesie) → La Peau de l’eau (lecture de Sylvie Fabre G.) → Venezia — San Giorgio-Angelo (extrait de La Peau de l'eau) → “Musée Thyssen Bornemisza Madrid”, Jacob Isaacksz Van Ruisdael → Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid (onze « poèmes peints » traduits par Angèle Paoli) ■ Voir | écouter aussi ▼ → (sur le site L'Amourier éditions) une bio-bibliographie de Fabio Scotto → (sur le site de l'écrivain Claude Ber) un dossier Fabio Scotto (dimanche 27 février 2011) → (sur Lyrikline) Fabio Scotto disant dix de ses poèmes |
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un excellent poète. merci de l'avoir présenté ici.
Rédigé par : michele | 15 avril 2011 à 17:58
Un lac...
Le mien est en Savoie, à Aix-les-Bains...
Chaque lac qui t'adresse la parole...
C'est toujours en langue morte...
Tout en silence "entendu"...
Au plus proche des cygnes...
...Ou des canards par défaut...
Lorsque tu as cessé de percevoir "un" vacarme qui te jouxte...
Tu cernes le vivant...
Dont tu parviens à cerner le son à force de jouter en regard du cri émis alentour des frissons qui se taisent...
Tout lac parle du silence en amont du vivant...
Tout lac fait langage et source vive...
"Toi" ? Tu prolonges un poème en instance !
Et subitement, tu crains d'être "un fou"...
Tandis que tu "hurles" un poème "Éther" de silence ???
Ou "Regard de lumière"...
Une sorte de "vérité" suggérée en instance...
Marie-Christine
Rédigé par : Marie-Christine Touchemoulin | 15 avril 2011 à 22:55
Chère Angèle, ce lac et l'autre de Dürer partagent les mêmes reflets ! Aujourd'hui encore, nous nous promenions autour du lac de Lamar, au dessus de Trente, et c'était bien un œil qui nous contemplait, mais bienveillant, et, qui même, selon tes mots, nous délivrait des attaches du temps. Un peu plus loin, au delà des lacs de Santa Massensa, c'est le château Stenico qui domine les vallées verdoyantes. On y a retrouvé de jolies fresques médiévales, dont l'une représente l'Annonciation sous un angle oriental: la vierge file la laine. Il paraîtrait qu'il est typique de l'art byzantin (à confirmer), alors que, dès le XIIIe siècle, ce ne sont pas les vierges fileuses, mais les liseuses qui se multiplient. Je n'ai pu m'empêcher, au milieu de ces eaux, de penser aux Moires, à Pénélope, et à toutes celles qui filent!
Rédigé par : Délivrée des eaux | 16 avril 2011 à 22:10
Cette chanson et cette ambiance moyenâgeuse pour faire écho à ce poème mélancolique, aux souvenirs éveillés par cette chanson... et au dernier commentaire.
Rédigé par : christiane | 17 avril 2011 à 10:30