Ph., G.AdC CE QUI RESTE Je suis assise à une table en formica. Sur le plateau, des miettes de pain — des boules de mie, roulées. Celui qui, avant moi, était assis à cette place était un homme que j’aimais, et qui m’aimait. Quelque chose entre nous a eu lieu, de terrible. Lui n’est plus là. N’est plus. Moi je regarde les mies de pain, roulées en boules, qu’il a laissées. 28 février 2009 Marie Étienne Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.) |
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Que c'est beau et juste ce dénuement, la pauvreté de ce geste fragile devant l'immensité de l'absence de l'être aimé.
Rédigé par : christiane | 17 février 2011 à 22:24
Dénuement...
Absence...
Ductilité aussi, car tout est là... dans ces petites boules de pain qui résument et contiennent la pelote de la vie en commençant par le fil des derniers actes...
L'immensité ultime de l'apparente insignifiance...
Profond et touchant...
Silas...
Rédigé par : Silas, Chien d'Utopie | 18 février 2011 à 15:10
@ Silas , Christiane,
A dire vrai , je suis restée un moment insensible à ce poème. Trop ancré, pour moi, dans la quotidienneté du formica ; et la boulette de mie de pain roulée sur la nappe me rappelle trop un certain Charbovary flaubertien et l'ennui profond, désespéré, d’Emma qui regarde son benêt de mari rouler sa mie de pain à chaque repas. Comment vivre face à un homme qui n’a rien à dire, depuis le début ?
Pour ces deux raisons, je suis restée en dehors, même si j’ai, comme vous, perçu la fragilité de ce geste…
Et puis est arrivée la photo de Guidu. Le magicien. Le poème est sorti d’un seul coup de sa banalité. Il a émergé ! Comme une évidence ! Il y avait aussi la musique. Cela formait un tout qui a pris sens, soudain, et dimension. Mais est-ce encore le poème ?
Rédigé par : Angèle Paoli | 20 février 2011 à 20:44
Je pense, chère Angèle, que ce n'est pas le poème mais la boule de pain.
Quand quelqu'un vient faire du pain privilégié, sacré, béni, une boule qui prend petit à petit toutes les couleurs de l'amertume et des courbes qui n'ont l'air de rien, c'est que cet être humain est parvenu à la fracture, et se refuse de s'imaginer à cet instant même de la rupture autre chose que cette misérable "boule de pain".
Si je n'ai pas réagi tout de suite à ce mot indifférent à la femme qui crée les plus beaux jours, "La femme (qui) dit son premier jour/dans l'immobile l'apogée", c'est que comme vous, Angèle, il m'interpellait à l'envers, à rebours, c'est-à-dire à travers une amertume qui me le rendait plat. Et pourtant, c'est cette même platitude, cette même banalité qui nous initie amèrement au mot qui refuse, qui stagne, qui se défend de bouger, qui se fout du dire face à l'être cher qui s'en va !
Rédigé par : Mahdia Benguesmia | 24 février 2011 à 15:00
?...
Ce qui reste constitue ce qui demeure...
Un miaulement...
Notre pain quotidien...
En l'orbe d'une main en soie... peau de chat grain... Chrysalide roulée dans la farine...
Elle diffuse "à l'or" le parfum de l'âme exprimant son oraison de vie vivante... au champ d'amour...
C'est tout jour... d'emblée... ainsi au moulin...
La rumeur de l'aube... le son de l'eau... tel un chant mis à gué qui efface la nuit... pour parvenir à nous "éterniser"...
"Pannetier" constituant du bout des doigts "l'ami" du pain qui "croc-craque" sous nos dents en parlant... lorsque "Touchemoulin"...
Esclave du grain qui pétrit le printemps... pour effacer la nuit... en émulant le vent lorsque le jour grésille...
Et voilà ce qui reste... quelques vers... des miettes... de poésie ? papier mâché... sur la portée de l'âme en souffrance ?...
Marie-Christine
Rédigé par : Marie-Christine Touchemoulin | 15 mars 2011 à 01:55