Ph., G.AdC TOLLEN IM NEUSCHNEE blendendes Weiß wie nie wieder und wie's frostig im Kindermund schmilzt Flieder von damals und der Duft verborgener Veilchen Gras frisch gemäht glühende Sonne das Träumen im Nussbaum kleine grün-braune Finger auf rauher Rinde das alles — läßt sich's noch schreiben? es zieht es zieht die gute Hand meiner Schwester die Hand die so früh wieder losließ Ilana Shmueli in Ein Kind aus guter Familie. Czernowitz 1924-1944, Rimbaud Verlag, Aachen, 2006.
Ilana Shmueli (née Liane Schindler) est née à Czernovitz (aujourd’hui Tchernovtsy en Ukraine) le 7 mars 1924. Elle est morte à Jérusalem le 11 novembre 2011. Elle a raconté ses vingt premières années dans un ouvrage paru en 2006, Une enfant de bonne famille. Czernovitz 1924-1944 (Ein Kind aus guter Familie. Czernowitz 1924-1944, Rimbaud Verlag, Aachen), et notamment la période de guerre où (ayant échappé au “transfert” par l’occupant soviétique de plusieurs milliers d’habitants de Czernovitz vers la Sibérie), elle fréquenta Paul Antschel (Paul Celan) et Rose Ausländer, un « monde parallèle magique » où l'on étudiait Spinoza, Nietzsche, Rilke, Trakl, George, Kraus, et, avec Paul Antschel, « qui savait si excellemment le français », lisait Villon, Verlaine, Baudelaire et Rimbaud. Ilana Shmueli est venue tardivement à l’écriture : « Étrangère inquiète entre l’allemand et l’hébreu — j’ai commencé sur le tard à écrire des poèmes, en allemand et en hébreu ; des poèmes qui ont presque attendu toute une vie pour finalement prendre la parole », écrit-elle dans la préface à son unique recueil de poèmes en allemand (Zwischen dem Jetzt und dem Jetzt. Gedichte [Entre l'à-présent et l'à-présent. Poèmes]. Rimbaud Verlag, Aachen, 2007, page 5). « Ma rencontre avec Paul Celan m’a fait énormément comprendre sa poésie, devenue au cours des années une partie essentielle de ma pensée et de ma sensibilité. J’ai essayé de traduire quelques-uns de ses derniers poèmes en hébreu [Sag, daß Jerusalem ist. Über Paul Celan. Oktober 1969 – April 1970, * Isele, 2001 ; reed. Rimbaud Verlag, 2010]. En dépit de mes incertitudes, de mes doutes, d’une profonde appréhension, je me suis mise moi-même à écrire. Dans mon dialogue avec la poésie de Celan, son influence s’exprime souvent clairement et consciemment. En revanche, parfois, sa voix sonne fortuitement, très inconsciemment dans mon écriture. Mais mes poèmes ont suivi leur propre chemin, un étroit chemin. » (Zwischen dem Jetzt und dem Jetzt, id.). Poèmes aussi lapidaires que les derniers poèmes de Paul Celan. Une édition française de la Correspondance 1965-1970 Paul Celan | Ilana Shmueli (Paul Celan | Ilana Shmueli Briefwechsel, Suhrkamp Verlag KG, Frankfurt am Main, 2004, édition établie par Ilana Shmueli et Thomas Sparr) a été publiée aux éditions du Seuil (Collection La Librairie du XXIe siècle) en 2006, dans une traduction de Bertrand Badiou (avec le concours de Martin Ziegler pour la traduction des poèmes inclus dans cette correspondance). L’édition américaine de cette correspondance, établie par Norman Manea (The Sheep Meadow Press, Riverdale, NY), est disponible depuis le 15 février 2011. Une édition américaine des poèmes d’Ilana Shmueli (Toward Babel. Poems and a Memoir) a paru en décembre 2013 dans une traduction de Susan H. Gillespie (The Sheep Meadow Press, Rhinebeck, NY 12572). * Une traduction en français de cet ouvrage (dans une traduction de Martin Ziegler) a bien été annoncée en 2006 par les éditions Galaade, mais il ne semble pas que l'éditeur ait donné suite à son projet. |
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Dans Le Monde des livres de ce 10 novembre 2006, un article remarquable de Patrick Kéchichian : «Celan, lettres de l'ultime combat».
Il y évoque à propos du livre : Correspondance (1965-1970) de Paul Celan et Iliana Shmueli cette amitié qui les a liés jusqu'au suicide de Celan et les bourrasques noires de l'Histoire et de leur histoire qui ont dévasté leur vie. Cet article donne encore plus de prix à ce poème bouleversant que vous avez mis en ligne, Angèle, à cette petite main qui "si tôt a lâché"...
Rédigé par : christiane | 03 février 2011 à 09:52
Poème de rêve, nouveau monde pour moi que cette poète-là, et véracité de l'écho qui résonne en moi aux mots sa correspondance citée, tout ce que tu offres là, Angèle, me parle. Que j'aime venir déguster le monde sur Terres de femmes...
Rédigé par : Martine | 03 février 2011 à 18:26
@ Christiane
Merci, Christiane, pour votre vigilance généreuse. Ce papier de Patrick Kéchichian est très éclairant et fondamental pour une approche et une lecture renouvelée du poète. Oui, le poème d'Ilana Shmueli est bouleversant, qui tient en quelques mots et suggère davantage qu'il dit.
@ Martine
Martine, je suis heureuse, vraiment, de partager avec mes lectrices mes propres découvertes.
Rédigé par : Angèle Paoli | 04 février 2011 à 16:03
Entre EJOUISSEMENT et FOL AMUSEMENT, le traducteur passe du jouisseur adulte au guilleret(ette) de l'enfance et nous fait jouer à la marelle dans cet espace aveuglant de blancheur du (de la) poète.
Mais n'est-ce pas pour restituer au poème, en plus de sa féminité, son enfance (féminine d'abord, puis mixte) qu'il vient redessiner à la craie son dessin, poser les a priori du calcul et lancer sa pierre.
Ce jeu d'enfance est magnifique et celui que réinvente pour nous le traducteur l'est plus !
La marelle ici n'est pas que jouée mais aussi chantée, et elle n'est pas uniquement chantée individuellement mais collectivement du moment que le parfum de la violette devient pluriel en relançant le caillou. Les violettes secrètes nous rappellent tout de suite, mais au sens le plus distrait, " A l'ombre des jeunes filles en fleurs" de Proust, mais le traducteur des Grimm n'est pas venu jusqu'à Ilana Shmueli pour lancer ses dés au hasard, comme nous le fait croire dans un amusement pourtant très cartésien Mallarmé.
En passant du noisetier au coudrier, il nous restitue, à travers le rêve devenu pluriel, les légendes endormies dans les mots et fait rejaillir cette belle image de l'arbre magique dont il choisit les"baguettes magiques" au lieu des "bâtons des sorciers" à travers "les petits doigts brun-verts sur l'écorce râpeuse". C'est pourtant le poète qui crée tout ceci, le traducteur n'y est que le joueur à la marelle.
Rédigé par : Mahdia Benguesmia | 08 février 2011 à 23:08