« Voilà, par sa mort, un chacun satisfait » (Sganarelle : acte V, scène 7) Dom Juan ou le Festin de pierre, de Molière Mise en scène de Louis Jouvet Décors et costumes de Christian Bérard Paris, théâtre de l’Athénée première le 24 décembre 1947 Source LE DIABLE ET L’AMOUR [extrait des CENCI de STENDHAL] « Le Don Juan* de Molière fut représenté au commencement du règne de Louis XIV, le 15 février 1665 ; ce prince n’était point encore dévot, et cependant la censure ecclésiastique fit supprimer la scène du pauvre dans la forêt. Cette censure, pour se donner des forces, voulait persuader à ce jeune roi, si prodigieusement ignorant, que le mot janséniste était synonyme de républicain. L’original est d’un Espagnol, Tirso de Molina, une troupe italienne en jouait une imitation à Paris vers 1664, et faisait fureur. C’est probablement la comédie du monde qui a été représentée le plus souvent. C’est qu’il y a le diable et l’amour, la peur de l’enfer et une passion exaltée de la femme, c’est-à-dire, ce qu’il y a de plus terrible et de plus doux aux yeux de tous les hommes, pour peu qu’ils soient au-dessus de l’état sauvage. Il n’est pas étonnant que la peinture du Don Juan ait été introduite dans la littérature par un poète espagnol. L’amour tient une grande place dans la vie de ce peuple ; c’est, là-bas, une passion sérieuse et qui se fait sacrifier, haut la main, toutes les autres, et même, qui le croirait ? la vanité ! Il en est de même en Allemagne et en Italie. À le bien prendre, la France seule est complètement délivrée de cette passion, qui fait faire tant de folies à ces étrangers : par exemple, épouser une fille pauvre, sous le prétexte qu’elle est jolie et qu’on en est amoureux. Les filles qui manquent de beauté ne manquent pas d’admirateurs en France ; nous sommes gens avisés. Ailleurs, elles sont réduites à se faire religieuses, et c’est pourquoi les couvents sont indispensables en Espagne. Les filles n’ont pas de dot en ce pays, et cette loi a maintenu le triomphe de l’amour. En France, l’amour ne s’est-il pas réfugié au cinquième étage, c’est-à-dire parmi les filles qui ne se marient pas avec l’entremise du notaire de la famille ? Il ne faut pas parler du don Juan de lord Byron, ce n’est qu’un Faublas, un beau jeune homme insignifiant, et sur lequel se précipitent toutes sortes de bonheurs invraisemblables. C’est donc en Italie et au XVIe siècle seulement qu’a dû paraître, pour la première fois, ce caractère singulier. C’est en Italie et au XVIIe siècle qu’une princesse disait, en prenant une glace avec délices le soir d’une journée fort chaude : Quel dommage que ce ne soit pas un péché ! Ce sentiment forme, suivant moi, la base du caractère du don Juan, et comme on le voit, la religion chrétienne lui est nécessaire. Sur quoi un auteur napolitain s’écrie : « N’est-ce rien que de braver le ciel, et de croire qu’au moment même le ciel peut vous réduire en cendre ? De là l’extrême volupté, dit-on, d’avoir une maîtresse religieuse, et religieuse remplie de piété, sachant fort bien qu’elle fait mal, et demandant pardon à Dieu avec passion, comme elle pèche avec passion. » Stendhal, « Les Cenci » in Chroniques italiennes, GF-Flammarion, 1977, pp. 241-242-243. _________________________________________ * Note d'AP : Stendhal écrit bien Don Juan et non pas Dom Juan. |
STENDHAL Image, G.AdC ■ Stendhal sur Terres de femmes ▼ → 11 septembre 1599 | Exécution de Béatrice Cenci (autre extrait des « Cenci », Chroniques italiennes) → 23 janvier 1783 | Naissance de Stendhal → 15 mai 1796 | Stendhal, Incipit de La Chartreuse de Parme → 7 janvier 1817 | Stendhal, Rome, Naples et Florence → 2 juillet 1817 | Stendhal, Rome, Naples et Florence → 23 mars 1842 | Mort de Stendhal ■ Voir aussi ▼ → (sur donjuan.net) une page sur le Dom Juan de Molière → (sur le site du Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines) un très beau dossier sur le Dom Juan de Molière mis en scène par Daniel Mesguich |
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