Le 27 décembre 1974, sous le mandat de Rolf Liebermann*, nouvellement nommé (1er janvier 1973) administrateur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux **, est représenté pour la première fois au Palais Garnier, à Paris, l’opéra de Giuseppe Verdi I Vespri siciliani, dans une scénographie de John Dexter. Un des grands chefs-d’œuvre de l’opéra que Rolf Liebermann a entrepris de ramener sur les devants de la scène pour que l’Opéra de Paris puisse recouvrer son faste d’antan. La direction musicale de l'opéra est assurée par Nello Santi. Ruggero Raimondi interprète le rôle de Procida. Placido Domingo celui d'Arrigo (Henri de Montfort). La soprano portoricaine Martina Arroyo interprète le rôle d’Elena.
Créé à Paris le 13 juin 1855 à l'Académie Impériale de Musique de Paris (salle Le Peletier), en présence de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, Les Vêpres siciliennes (I Vespri siciliani) est un opéra en cinq actes, composé à partir d’un livret d’Augustin Eugène Scribe et de Charles Duveyrier, et de divertissements chorégraphiques de Marius Petipa. Avec Sophie Cruvelli dans le rôle d'Hélène, Louis Gueymard dans le rôle d'Henri, Louis-Henri Orbin dans le rôle de Procida. Commandée à Verdi à l’occasion de l’Exposition Universelle, écrite expressément pour la scène parisienne, cette œuvre ― premier opéra français de Verdi ― met en scène l’insurrection sicilienne du 31 mars 1282 (lundi de Pâques) conduite par Roger de Lauria et Giovanni da Procida, contre la politique oppressive de Charles 1er d’Anjou et contre l’occupant français. Cette insurrection a été déclenchée le jour même de la célébration du mariage de la duchesse Hélène avec Henri de Montfort, fils du gouverneur de l’île. Le signal d’alarme ayant été donné en sonnant les cloches, à l’heure des vêpres. Les Siciliens envahirent la cathédrale, massacrèrent les Français et se placeront dès lors sous la protection espagnole des Aragon. Giuseppe Verdi et ses librettistes, considérant cet événement historique sous l’angle contemporain de la montée des nationalismes en Europe, l’adaptent librement en mélangeant fiction et réalité. Notamment salué par Hector Berlioz, l'opéra Les Vêpres siciliennes remporte un vif succès. Verdi entreprend alors de le faire traduire en italien par Arnaldo Fusinato. La création de la première version italienne aura lieu à Parme le 26 décembre 1855 sous le titre Giovanna di Guzman. Version reprise en 1857 sous le titre Batilde di Turenna au théâtre San Carlo de Naples. Une autre version sera créée à La Scala de Milan le 4 février 1856, dans une nouvelle traduction d’Ettore Caimi. Il faudra attendre 1861 pour que l’œuvre recouvre son titre I Vespri siciliani. Malgré une tentative de reprise à Paris en juillet 1863, la partition française des Vêpres siciliennes tombe quant à elle dans l’oubli et ne connaît un véritable regain d’intérêt qu’à l'orée du XXIe siècle (Opéra de Paris-Bastille, juin 2003, sous la direction de James Conlon). Souvent tenue par les spécialistes pour un semi-échec, notamment sur le plan de la structure dramatique, cette œuvre de maturité est cependant un jalon déterminant dans l’évolution de la création verdienne. En particulier, l’emploi de la forme ternaire française ABA (structure similaire de la 1re et de la 3e partie), qui constitue un grand pas en avant et contribue à la libération et à l'épanouissement de l’art lyrique du compositeur, qui atteint son acmé avec Othello et Falstaff. Pour ce qui est des Vêpres siciliennes, un grand souffle lyrique culmine dans l’ouverture et dans de nombreux airs : acte II, dans l’air de Procida « Et toi, Palerme, ô beauté qu’on outrage », ou encore, acte III, dans l’air de Montfort « Au sein de la puissance » ; acte IV, dans le quatuor « Adieu, mon pays je succombe ». Dans la deuxième scène de l'acte V, le Boléro d’Hélène, « Merci, jeunes amies », dont la jovialité fait contraste avec les scènes hautement dramatiques, apparaît comme une réjouissante digression, tout comme les nombreux airs de danse (dont la tarentelle du deuxième acte et le ballet des Quatre Saisons du troisième acte) qui jalonnent la partition de la version française. En dépit de ses défauts, Les Vêpres siciliennes offre des moments de très grande beauté. L'alliance réussie de la mesure française et de l’impétuosité italienne, au service de l’expression des sentiments, a mis Giuseppe Verdi sur la voie de ses grands opéras à venir. Angèle Paoli
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Ce que je trouve d'admirable dans le choix de vos textes, chère Angèle, c'est cette dimension fantastique que vous donnez aux différentes langues et cultures. La langue française que vous manipulez joyeusement ici est choyée à travers toutes ces langues que vous lui faites jouer dans son espace et qui tatouent joliment les endroits de son corps les plus beaux à contempler.
Merci pour toutes ces floraisons intellectuelles et poétiques qui nous donnent envie de finir agréablement notre année.
Très bonne fin de l'année en cours et meilleurs vœux pour l'année 2011, et bonne continuation à votre prestigieuse Revue qui est à l'image de votre main.
Rédigé par : Mahdia Benguesmia | 28 décembre 2010 à 05:43