Le 9 novembre 1981 a lieu au Théâtre des Bouffes-du-Nord, à Paris, la création de l’opéra de chambre la Tragédie de Carmen. Adaptée par Jean-Claude Carrière à partir de l’opéra de Bizet et de la nouvelle de Mérimée, la Tragédie de Carmen est mise en scène par Peter Brook et dirigée par le compositeur Marius Constant. Hélène Delavault interprète le rôle de Carmen. Source UNE REVISITE DU MYTHE DE CARMEN Totalement remanié et réinventé, le mythe de Carmen fait peau neuve. Sur le plan musical, supprimant l’anecdotique, Marius Constant resserre la partition originale et réduit l’orchestre à un ensemble de quinze instruments. Les mouvements de foule, qui, chez Bizet, assuraient à la belle gitane une respiration dans son destin tragique, ont disparu de cette création. De son côté, Peter Brook, tout en prenant appui sur une figure archétypale du monde méditerranéen (un « ange noir du destin », selon l’expression d’Antoine Goléa) et sur les différentes œuvres qu’il a inspirées, l’enrichit de son imaginaire et de sa mythologie personnelle. Ainsi Peter Brook réintroduit-il des personnages et des épisodes supprimés par Bizet comme par Mérimée. Le meurtre de l’officier et la réapparition de García, premier mari de Carmen ― que Mérimée fait mourir dès le début de la nouvelle et dont Bizet ne tient pas compte ― permettent de donner davantage d’épaisseur dramatique au personnage de don José. Mais la plus belle innovation de Brook porte sur la modification radicale du sens du mythe de Carmen. À « travers un faux roman-vérité », Mérimée invitait le lecteur à partir à la découverte des mœurs des gitans dans l’Espagne de 1830. Bizet invitait le spectateur à l’accompagner dans une « longue méditation sur le destin d’une femme libre » (Jean-Vincent Richard). Peter Brook, lui, en supprimant toute couleur locale et en ne gardant que les épisodes les plus violents, entraîne tous ses personnages en même temps que son public « dans une foudroyante et fascinante chevauchée du côté de la mort ». Pour servir cette réflexion, Peter Brook choisit l’austérité classique : sobriété et dépouillement du décor, des costumes et du jeu des acteurs-chanteurs. Tout, dans la Tragédie de Carmen, oppose cet opéra de chambre à la luminosité méditerranéenne de la Carmen de Bizet. La création de Peter Brook atteste qu’un mythe ancien peut revivre sous de nouvelles formes et que l’art lyrique n’est pas un genre essoufflé, condamné à ronronner sur son passé. |
■ Voir/écouter aussi ▼ → (sur le site de l’INA) Peter Brook à propos du Théâtre des Bouffes-du-Nord |
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Marquante re-création en effet dans ce cadre magique des Bouffes du Nord (je m'y revois, assise sur un coussin dans l'arène, et j'y suis retournée plusieurs fois...).
L'art lyrique n'a rien d'un genre essoufflé et, à côté de nombre de petits besogneux qui se pensent "créateurs" d'avant-garde en transposant simplement le lieu et l'époque ou en recourant gratuitement à la vidéo - depuis un temps certain déjà ! -, combien de metteurs en scène de talent qui renouvellent les mythes anciens avec intelligence, sensibilité et humilité !
Malheureusement, il n' existe pas de CD de la Tragédie de Carmen, seul un vieux disque vinyle, pas de DVD non plus et ma vieille cassette d'une retransmission télévisée est devenue illisible...
Rédigé par : Emmanuelle Caminade | 10 novembre 2010 à 13:16
Merci, Emmanuelle, pour votre passage sur mes terres. En effet, il existe très peu d'archives disponibles sur la première mise en scène de la Tragédie de Carmen ! Pas même de photos sur la Toile ! Peut-être dans le fonds de l'Institut national de l'audiovisuel ! Mais non accessible pour le commun des mortels, comme j'ai pu le constater en me rendant sur leur site ! Dommage. Je vous envie d'avoir pu assister à plusieurs reprises à ce grand événement.
Rédigé par : Angèle Paoli | 10 novembre 2010 à 17:05