Ph., G.AdC « Pè San Martinu u mostu vale vinu ». « À la Saint-Martin, le moût vaut du vin ». Ce dicton corse, fort connu, marque une étape importante dans la vie des vignerons corses, les vignaghjoli. C’est en effet le 11 novembre, jour de la Saint-Martin, que l’on tire ― spigulà ― le vin nouveau. La Corse des vignobles est en fête. Ce jour-là, les hommes font la tournée des caves. S’arrêtant sur le seuil, chacun salue d’un joyeux « San Martinu ». Et, de l’intérieur, la compagnie de répondre : « Divizia » ― « Abondance » ! Et l’on se régale de fasgiole, les fameuses châtaignes rôties. C’est aussi dans ce temps de novembre, réputé pour être très doux (ne parle-t-on pas de la statina ― l’été de la Saint-Martin ?), que les anciens pratiquaient la cueillette du romarin. U rosumarinu, en fleurs à cette période de l’année, servait à faire a sfuma. Les branches de romarin, déposées sur des braises incandescentes dégageaient une fumée odorante que l’on répandait dans toutes les pièces de la maison. Une méthode efficace pour la protéger du malocchju, le célèbre mauvais œil. Avec saint Vincent, saint Martin (316-397) est un des patrons des vignerons mais aussi de l’abondance. Il est originaire de Savaria (l’actuelle ville de Szombathely), dans l’ancienne province romaine de Pannonie (Hongrie). Très tôt touché par la foi nouvelle, ce fils de tribun militaire se voit forcé d’obéir aux lois impériales et de servir dans l’armée. En 338, alors qu’il est en garnison à Amiens, saint Martin partage son manteau avec un pauvre qui grelottait de froid. Peu de temps après, à la suite d’une vision du Christ, il reçoit le baptême. Après de longues années de campagne, il obtient enfin de pouvoir quitter l’armée et rejoint à Poitiers l’évêque saint Hilaire. S’ensuivent de longues années d’errance. Martin retourne en Pannonie où il convertit sa mère mais non son père, puis mène une vie solitaire en Italie. De retour à Poitiers où il retrouve Hilaire (lui aussi rentré d’exil), il fonde à Ligugé la première communauté monastique de Gaule (361). Apprécié par le peuple, il est nommé évêque de Tours (v. 370-371). Mais toujours fidèle à la vie ascétique qu’il avait choisie, il se retire régulièrement en des lieux isolés. Ceux-là même où il crée, sur la rive droite de la Loire, l’abbaye bénédictine de Marmoutier (372). Saint Martin meurt le 8 novembre 397 à Candes-Saint-Martin. Il est enterré à Tours le 11 novembre 397. L’histoire de la vie de saint Martin a été immortalisée par son disciple Sulpice Sévère, qui a répandu son culte à travers la Gaule. Dans le même temps Sulpice Sévère a rédigé une Vie de Saint Martin, hagiographie qui ― tout comme les récits légendaires de Grégoire de Tours ― a contribué à faire connaître à travers l’occident chrétien la geste de Saint-Martin. Grand missionnaire, Martin prêchait en Auvergne, en Saintonge, en Berry, en région parisienne, dans la vallée du Rhône et peut-être aussi… en Corse ! Nombreux sont en Corse les villages qui témoignent de sa venue et qui honorent saint Martin : Evisa, Furiani, Lota, Canavaghja, Palasca, Viscuvatu, Patrimoniu… Très populaire dans l’île où il eut maille à partir avec le diable, saint Martin continue de nourrir l’imaginaire des habitants et d’alimenter quelques légendes : celle du diable vexé par exemple dont sont attestées plusieurs versions dans le Niolu. Saint Martin est présent dans des lieux aussi célèbres que la Scala di Santa Regina ― ainsi baptisée par le saint lui-même ― ou le Capu Tafunatu, la Montagne percée. À Patrimoniu, haut lieu de viticulture de la Haute-Corse, les festivités de la Festa Patrunale, Fête patronale des vignerons et du partage – mise en perce du tonneau de la Saint-Martin, bénédiction du vin nouveau, u focu in piazza di a chjesa, processions, concerts, conférences et rencontres culturelles ― se déroulent sur plusieurs jours et prennent fin le 11 novembre. Animés par la Cunfraternità San Martinu et par le groupe vocal masculin Barbara Furtuna, les offices religieux se déroulent dans la belle église San Martinu (1653) qui veille sur les vignobles, aux marches du Cap Corse. |
■ Voir aussi ▼ → (sur Terres de femmes) 11 novembre 1516/La Saint-Martin de Leonardo |
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Comment une Amiénoise resterait-elle insensible au bel hommage que tu rends à saint Martin, surtout quand tes mots gourmands prennent le parfum des vendanges !
Merci Angèle pour ce beau texte.
Rédigé par : Nathalie | 13 novembre 2010 à 18:34
Chère Nathalie, j'ai évidemment pensé avec émotion à notre saint Martin amiénois. Il est ancré de manière indéfectible dans ma mémoire; il est aussi présent ici dans l'île. Une façon pour moi de tisser des liens secrets du nord au sud et du sud au nord.
Un grand projet européen se dessine pour remettre à l'honneur tous les lieux de passage de ce grand marcheur. Lieux de partage aussi, bien sûr. N'est-ce pas ce que nous faisons, aussi, chacune à notre manière ? Merci de ton amitié fidèle.
Rédigé par : Angèle Paoli | 13 novembre 2010 à 20:00