Le
10 novembre 1549 meurt à Rome
Alexandre Farnèse (Alessandro Farnese, devenu le pape
Paul III Farnèse). Alessandro Farnese a inspiré à Stendhal le personnage de Fabrice del Dongo dans
La Chartreuse de Parme.
Élevé dans les fastes de la cour de Florence, Alexandre Farnèse, prince humaniste, entreprend sa carrière ecclésiastique sous le règne du pape Alexandre VI Borgia qui, par l’intercession de sa sœur (Giulia Farnèse, perfidement surnommée « uxor Christi »), le comble de bienfaits et le pousse dans son ascension. Il est nommé cardinal à l’âge de vingt-six ans. Évêque de Parme en 1509, il dut cependant faire intervenir Jules II Della Rovere et Léon X (Jean de Médicis, qu’il avait fréquenté à l’Académie florentine de Laurent de Médicis) pour légitimer ses enfants. Dont seul survécut Pier Luigi.
Élu pape le 13 octobre 1534, Paul III Farnèse règne sur Rome jusqu’à sa mort. Il est le pape de la Réforme catholique. En 1545, à la demande de Charles Quint qui cherche à faire face aux progrès de la Réforme protestante, Paul III convoque un concile œcuménique, qui se réunit à Trente (Haut-Adige). L’assemblée examine, redéfinit, réaffirme certains points du dogme catholique. Le concile de Trente, qui connut trois périodes ponctuées d’interruptions, prit fin en 1563.
Rome doit à Paul III Farnèse plusieurs chefs-d’œuvre considérables. Notamment le palais Farnèse (aujourd’hui ambassade de France à Rome) qui porte le nom du souverain pontife (œuvre de l’architecte Sangallo le Jeune et de Michel-Ange, à qui le pape a aussi confié les travaux de la basilique Saint-Pierre) ainsi que le
Jugement dernier (exécuté par Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine).
Titien
Portrait du pape Paul III Farnèse (tête nue), 1543
Huile sur toile, 106 x 85 cm
Museo Nazionale di Capodimonte, Napoli
Les traits du souverain pontife ont été immortalisés par le peintre vénitien
Titien (Tiziano Vecellio) qui réalisa plusieurs portraits du pape et de ses proches. Bien avant son séjour romain, Titien avait déjà exécuté un portrait de Paul III. Le portrait de Bologne, qui date de 1543 ― date à laquelle Paul III s'est rendu à Busseto, en Italie du Nord, pour y négocier avec l'Empereur Charles Quint ―, représente un Paul III, tête nue, voûté par le grand âge mais drapé dans sa toute puissance. Cette impression de puissance dominatrice, marquée par l'ampleur des épaules, la pesanteur du camail de brocart rouge qui les enveloppe et par l'assise du pape dans son fauteuil ― main gauche posée sur l'accoudoir et main droite sur l'aumonière ―, est encore accentuée par le léger effet de contre-plongée ainsi que par la vision de trois-quarts que lui a donnée le peintre.
Titien
Portrait du pape Paul III avec ses neveux, 1545-1546
Huile sur toile, 200 x 173 cm
Museo Nazionale di Capodimonte, Napoli
Mais le plus célèbre des portraits réalisés par Titien reste celui de
Paul III avec ses neveux*. Il s'agit d'un portrait à trois personnages. Dans l'intimité feutrée d'un intérieur protégé par de lourdes tentures rouges, le pape Paul III apparaît, entouré de deux de ses deux petits-fils (fils de Pier Luigi) : Octave et le cardinal Alexandre. Réalisé en 1545-1546, ce portrait reflète un moment de l'histoire familiale des Farnèse, histoire riche en drames, en tensions et en conflits. Assis dans son fauteuil, le vieil ecclésiastique, enveloppé dans ses amples vêtements, satin rouge et hermine blanche, la tête coiffée du « camauro », reçoit ses petits-fils. Le pontife tourne vers Octave Farnèse un regard méfiant et inquisiteur. Octave Farnèse se courbe, lui, vers son grand-père. Par respect sans nul doute mais peut-être aussi par calcul et intérêt. Quelque chose d'ambigu se lit dans cette attitude faussement humble ainsi que dans le regard que le jeune homme porte sur le souverain pontife.
Derrière le pontife, un peu en retrait et distant, le cardinal Alexandre. Celui-ci, en dépit des nombreux honneurs ecclésiastiques dont son grand-père l'avait comblé, ne parvint pas jusqu'au trône papal après la mort de Paul III. Alexandre se distingua cependant par son influence sur la vie politique romaine et fut un remarquable mécène.
Dans cette toile de commande, Titien s'est attaché à donner à cette scène de groupe une dimension profondément humaine dont la dynamique repose sur les gestes et sur l'échange des regards. Le peintre concentre son intérêt sur la dimension psychologique des personnages en présence, laissant à la postérité un document humain d'une inestimable valeur. Avec
Paul III et ses neveux, le grand peintre a réalisé un chef-d’œuvre qui rompt radicalement avec la tradition des œuvres de cour.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
* Le mot « neveu », du latin
nepos, signifie à l'origine petit-fils mais désigne également un parent du pape bénéficiant de son appui.
Etrange impression. Quand vous glissez voluptueusement dans une oeuvre d'art, un livre, un songe de biographie dans ce passé, toujours le même. Comme une fascination, un dialogue, juste interrompu, parce que vous prêtez à vos contemporains dans une langue d'ailleurs poétique.
Ici est votre présent comme si les fresques du passé, de ce passé, vous invitaient à voir ce qui s'est obscurci pour nous.
En ce monde clos, vos écritures se lient, se lisent, se déchirent, se pénètrent. Mort, éros et tentation du sacré comme si vous étiez concernée à titre personnel. Métempsycose ? J'y pense souvent en vous lisant. Vous ne seriez que le lointain voyage d'une jumelle restée dans ce temps-là. Un peu comme si - quand vous n'êtes pas sur le seuil de l'écriture - vous vous ennuyiez, parfois, parmi nous, pas malheureuse mais pas heureuse. Vous êtes presque mutique dans notre monde, réservant votre parole fluide pour ce passé-là.
Bon, c'était en passant, une impression étrange et déjà rencontrée...
Rédigé par : christiane | 11 novembre 2010 à 11:01