Hameau de Piazza (Canari, Haute-Corse)
Ph. : angèlepaoli
| DÉRIVES D’AUTOMNE |
Bruissements d'elles envolées
je vais au petit bois champ de lumière basse
je ne pense à rien ni personne
seulement aux sangles de verdures
aux masses taillées dur et dru
à l'immobilité
qui porte au silence
le silence dans l’immobilité
se fige fibres dociles
les chèvres tout là-haut
grelottent leur chant de cloches
dans les branches
une barque nacelle au large
dans le soleil sans bris de vent
les chevreaux nouveaux-nés frelonnent
leur appel
un escargot
voyageur intime sans chagrin
coule sa lave douce sur la mousse
j'entends un pas caillou qui roule
mais ce n'est rien
qu'un crépitement de balles sèches
le promontoire caracole
feuillu de cornes de grelots
les mots s’effritent
dans le grain de la pierre
une fourmi s’étourdit à la blancheur de la page
tu cherches en vain sur les hauteurs
les fumées lentes de l'hiver
la barque glisse
une mer serrée de nuages
coule son moutonnement vers le soleil
tant de blancheur rassemblée
dans le pommelé du ciel
éveille ton étonnement
tu vas basculer dans l’ombre
la fraîcheur va te surprendre
qui te saisit
la mer bruit
d’éclats de lumière
l’escargot voyageur intime
a disparu dans le miroir
qu’y a-t-il derrière ce mamelon cet autre
sinon le silence privé de mots
sinon les montagnes
livrés aux vents tes mots dérivent sur la page
cherchent leur chant
sur le rivage.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Hameau de Vignale (Canari, Haute-Corse), 2010
Ph. : angèlepaoli
|
Retour au répertoire de octobre 2010
Retour à l'index de la catégorie Zibal-donna
Comme ce poème est beau. Il me donne accès au repliement de l'île avant que l'hiver, si rude, ne s'installe. Ce frissonnement des bêtes de laine donne envie de bergerie et cet escargot est bien hardi. C'est le temps où le hérisson va se faire oursin et s'enfouir sous les feuilles, où les chats vont retrouver en ronronnant le feu dans l'âtre et la poète, loin de sa treille et de la mer inhospitalière, se lovera dans son écriture. Et tout sera bien et rond, assemblé dans la chaude tendresse de la maison aux murs épais et aux volets clos pour les longues veillées. Là, crépiteront à l'amble les bûches et le clavier, à moins que ne crisse la plume sur la douceur de la page... Odeur de châtaignes grillées et de feuilles d'automne. Migration des oiseaux...
Rédigé par : christiane | 22 octobre 2010 à 00:04
Les plus douces balades, les plus nostalgiques aussi
sont celles que l'on fait en automne
le cœur étreint de cette petite douleur
qui est déjà hiver.
Ton poème est magnifique
d'observation des petites choses
je t'en offre un en retour
La terre est devenue rêche
je n'y sens plus l'espoir des mois passés
lorsque se préparaient au loin les pluies qui bêchent
je n'entends plus que la mélodie
des petites choses blessées.
Derrière chez nous
un chemin simple s'adosse aux herbes des maisons
qui poussent toutes droites
et drues contre les grilles
Je le guidais souvent en arrachant certaines de ses mauvaises graines
heureuses de me défier elles repoussaient plus haut
Parfois l'ombre d'un peu de peur
m'y offrait un abri
et lorsque je cueillais les blanches pierres
pour les poser le long de mon sentier fleuri
leur grain râpeux disait :
"Qui es-tu pour prétendre
quand la lenteur des fleurs déchire ma lenteur? "
Ces mots me tissaient.
Aujourd'hui la lumière, le silence, l'herbe jaunie et rase
effleurent mes souvenirs
et rien ne se déchire
et rien ne se prétend...
Laissons l'hiver venir.
Rédigé par : Viviane | 22 octobre 2010 à 10:29