Ph., G.AdC VOIX DE FEMME On accueille la paix, on lui ouvre les bras – allègres : quitter les usines d’armes, plus de caisses d’obus ; sortir en plein jour, le ciel est sans avions. Et ces gars que la guerre nous a rendus, étrangers, mutilés tous, on les prend dans nos bras. On fait vie avec. On refait vie avec. Aller librement dans les ruines, chercher librement de quoi nourrir, habiller, bercer – se blottir, se reposer – ouvrir grand les bras, embrasser, recevoir les baisers, aimer, serrer fort. On va dans la paix par écœurement du sang versé, par lassitude d’avoir tant de morts à enterrer et d’être encore vivantes, par désir de silence, par envie de dormir – pour se réveiller, pour s’y mettre, à nettoyer le plancher, à lessiver le sang noirci, pour faire tomber les ruines et en profiter, faire de nouveaux plans, une passerelle, planter un jardin qui ne sera pas dévasté – pour avoir le temps, pour partir à la recherche de ceux qui restent – qui a survécu ? pour se venger, enquêter, poursuivre, les jeter en prison, eux – pour prendre le temps, pour faire des plans – loin et proches, pour dire à l’enfant né : toi tu auras le temps – pour dire, pour que tous disent : il y a défaite générale. On ne fête pas d’avoir gagné : personne n’a gagné. Perdu, nous avons tous perdu, tout le monde a perdu, il n’y a pas de victoire. On fête : pas de victoire ; on ne fête pas d’avoir été vainqueurs. On fête : tous vaincus. On fête : enfin il n’y aura plus de vainqueurs, jamais. On fait des enfants qui vivront. Laurent Grisel, Un hymne à la paix (16 fois), publie.net, Collection Zone risque, 2010, pp. 8-10. |
■ Voir aussi ▼ → (sur publie.net) le texte intégral d’Un hymne à la paix (16 fois) (téléchargement, présentation et extraits) → (sur le site de Laurent Grisel) histoire et présentation du texte → (sur remue.net) Traversées grammaticales vers une parole et une paix en commun, une lecture d'Un hymne à la paix (16 fois) par Dominique Dussidour → (sur remue.net) 54. L’hymne à la paix de Laurent Grisel, une recension de Jean-Marie Barnaud → (sur Poezibao) une lecture d’Un hymne à la paix (16 fois) par Antoine Emaz → (sur remue.net) Laurent Grisel / Changeons d'espace et de temps - suite 1, "Depuis toujours" |
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"On fête : tous vaincus."
cette idée est très juste et très belle.
Merci
Rédigé par : Laurence Mauguin | 15 septembre 2010 à 11:43
"Défaite"
je m'attache, m'accorde encore à ce mot.
comme à regarder, immobile, les traces si belles des avions dans le ciel.
Comment faire ? Mais comment faire ?
Rédigé par : annick ranvier | 17 septembre 2010 à 22:20
Bel écho de voix de femmes autour du poème de Laurent Grisel. Merci à toutes les deux.
Rédigé par : Angele Paoli | 18 septembre 2010 à 22:07