Y aura-t-il assez de nuit dans nos yeux pour voir quelques étoiles danser autour des bornes où tiennent les visages ? Y aura-t-il assez de silence dans notre sang pour entendre chanter la lumière, là où sourient les ombres ? Y aura-t-il assez de chaleur dans notre cœur pour qu’il offre aux pierres ces forces dont elles vivent, ce rythme qu’entre deux soupirs de ciel nos pas leur arrachent, par hasard ? Ces questions nous regardent. C’est à peine si leurs paupières battent. À peine si nos lèvres les assurent d’un bégaiement quand, à contre-jour, nos mains se mêlent de leur accorder l’espoir d’un soupirail.
II
Il est bien tard quand tu pousses la porte par où descendre, les yeux pris dans la lumière que filtre le grillage défoncé du soupirail. Il est déjà trop tard quand tu dévales l’escalier. Les courants d’air, levés entre tes pas et tes mains qui hésitent, fouettent le visage de cette nuit basse, compacte et dure où tu t’écorches.
III
Sur la dernière marche, appuyé aux remous qui creusent jusqu’au cœur des pierres de la voûte, tu souffles à voix basse sur les petits tas de silence qui t’accueillent, toujours prêts à t’enfoncer dans les sables mouvants du sommeil qu’ils honorent de toutes leurs poussières.
IV
Maintenant, il te faut avancer. Fouler ce sol qui te presse, l’ébranler d’enjambées hasardeuses, peser de tes mains, qui déjà retombent, sur tout cela : choses mortes, images vitrifiées et opaques, mots anciens, tout cela encroué tel quel comme au torrent les arbres et les pierres que le flot et la rumeur des heures, témoins résolus.
Tout cela qui n’attendait rien ni personne, et que tu vas troubler de ta marche peu sûre, écartant des pans d’ombres encore vives, exhumant sous tes pas des printemps, renversant des hivers.
X
Y aura-t-il jamais assez de pâleur sur le front de nos poèmes pour que le ciel les veine de l’ombre de ses nuages ? Sous la lampe, nous boirions l’oubli de ce qui jamais ne fut. Sinon dans cette chanson perdue que nos silences syncopent d’un bord du jour à l’autre.
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ALAIN FREIXE ■ Alain Freixe sur Terres de femmes ▼ → Vers les riveraines (lecture de Sylvie Fabre G.) → Vers les riveraines (lecture d’AP) → À l’étrangère (extrait de Vers les riveraines) → [on serait à couvert sous les arbres] (autre extrait de Vers les riveraines) → Bleu plié au noir → Contre le désert (lecture de Michel Diaz) → Contre le désert (lecture d’AP) ■ Voir aussi ▼ → (sur Terres de femmes) Serge Bonnery et Alain Freixe, Les Blessures de Joë Bousquet, 1918-1939 (lecture d'AP) → P/oésie, le blog d'Alain Freixe : La poésie et ses entours |
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toujours aimé la poésie d'Alain Freixe. Merci de ce partage.
Rédigé par : florence Noël | 13 septembre 2010 à 09:59