Ph., G.AdC
RETORNO
Voy hacia los panales del pasado
¿es permitido este sabor en la mesa?
¿puede uno hurgar en los sueños,
despacio, sin estropear el terciopelo que cubre
el principio del todo, amorosamente,
sin despertar dolores dormidos
y traer sólo las mieles?
Puedo hablar de la vida y de la muerte.
Yo que anduve oliendo el miedo.
Mis amigos, los muertos
tan presentes en este vino compartido,
entre tu risa y mis lágrimas
reconstruimos el escenario,
juntamos los pedazos, la copa rota.
Todo lo derramado.
Ph., G.AdC
RETOUR
Je retourne aux rayons de miel du passé,
cette saveur est-elle permise à table ?
Peut-on fouiller dans les rêves,
lentement, sans abîmer le velours qui recouvre
le commencement de tout, avec amour,
sans réveiller des douleurs endormies
et ne rapporter que le miel ?
Je peux parler de la vie et de la mort.
Moi qui ai marché flairant la peur.
Mes amis, les morts
si présents dans ce vin partagé,
entre ton rire et mes larmes
nous avons reconstruit les lieux,
recollé les morceaux, la coupe brisée.
Tout ce qui fut renversé.
Carmen Yáñez, Paysage de lune froide et autres poèmes, édition bilingue, Daquí/Fédérop/Le Noroît, 2010, pp. 32-33. Préface de Luis Sepúlveda. Poèmes traduits de l'espagnol (Chili) par Patrick Lavaud. Relecture et conseils de François-Michel Durazzo.
Carmen Yáñez est une des voix les plus fortes et les plus singulières de la nouvelle poésie latino-américaine, « celle d’une femme qui, devant l’abîme, n’a rien perdu de sa tendresse, d’une femme qui, face aux bourreaux, a recouvert la tendresse de silence, d’une femme qui a vaincu la haine des tortionnaires de son peuple, pour faire de ses mots une arme chargée d’ardente amour et de tendresse farouche » (Luis Sepúlveda).
Née à Santiago du Chili le 18 août 1952, Carmen Yáñez a commencé à militer très tôt au sein de la gauche chilienne, à la fin des années 1960. C'est à cette époque (1967) qu'elle rencontre Luis Sepúlveda. Carmen et Luis se marient en 1971 et ont un fils (Carlos) la même année. Au lendemain du coup d'Ėtat d’Augusto Pinochet, le 11 septembre 1973, elle poursuit ses activités politiques. En octobre 1975, elle est emprisonnée dans le centre d'interrogatoire et de torture de la Villa Grimaldi, enfer auquel elle finit par échapper, abandonnée sur une décharge publique du sud de Santiago. Elle vit dès lors dans la clandestinité jusqu’en 1981, date à laquelle elle s'exile à Stockholm où elle recommence une nouvelle vie. Elle publie en 1982 son premier recueil de poèmes : Cantos del camino. Après avoir retrouvé Luis Sepúlveda, elle s'installe avec lui, en 1997, à Gijón (Asturies, Espagne).
Ses recueils de poésie (Al aire, 1989, Remanso, 1992, Paisajes de luna fría, 1998, Piel de cobre, 2001, Tierra de manzanas, 2004 et Latitud de sueños, 2008) ont notamment été traduits en suédois, en allemand et en italien (Guanda Editore).
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