Les Éditions du Petit Pois, Béziers, juillet 2010.
ISBN : 978-2-9534097-2-7
Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. Je ne vais sans doute pas pouvoir marcher très longtemps sur la route. Je n’ai pourtant pas envie de renoncer. Je vais trouver un abri où pelotonner ma solitude. Il me semble me souvenir qu’en prenant sur ma gauche le sentier un peu large qui conduit jusqu’aux ruches, je vais déboucher sous les grottes qui précèdent la Pierre plate. La Pierre à palabres. Angèle Paoli POUR LIRE LA SUITE, SE REPORTER À L’ÉDITION PAPIER (JUILLET 2010). Photos, G.AdC |
« LE RAVIN N’EST-IL QUE LA NOSTALGIE DE LA MONTAGNE ? » Lecture de Christiane Parrat Qu'écrit-on quand on a perdu un être proche ? Comment vit-on, survit-on ? Il en est des brisures de l'amour comme de la mort. L'écriture fouaille alors dans les racines invisibles de ce qui reste. Exil à l'intérieur de soi-même pour y tresser l'ode à l'absente, sans savoir qui est la plus absente à soi de celle qui reste ou de celle qui est partie. « Où est son bien ? Elle le cherche. Il la fuit. Sa nature même lui échappe. Elle s'agrippe aux bouquets d'euphorbes, au chant solitaire d'un oiseau qui appelle sa compagne lointaine. » Carnets de Marche... La marche est difficile et courageuse qui va à l'écriture... la lecture en est bouleversante. J'ai traversé ce jour dans la douceur de ce beau livre écrit par Angèle Paoli et édité à Béziers, aux toutes jeunes et talentueuses éditions du Petit Pois… Soixante-et-un fragments de ces carnets ont été choisis par Véronique et David Zorzi pour nous faire entrer dans quelques saisons de la vie d'une femme, confrontée à la fracture amoureuse… Cent-vingt-deux pages d'une écriture limpide, d'une absolue fluidité, nous mènent de la plénitude de la souffrance au vertige du vide laissé par la faille. En exergue, cette pensée d'Hélène Sanguinetti : « Le ravin n'est-il que la nostalgie de la montagne ? » Ainsi va s'ouvrir un des plus beaux textes d'Angèle Paoli. Sans pathos, dans une écriture proche de l'intime, qui ne cache rien tout en gardant le mystère d'une insolente pudeur, elle nous conduit dans l'univers secret de ses marches, nous donne accès à cette déchirure, se centrant peu à peu sur le chemin intérieur qui va transformer ces marches en « marches à gravir ». Un texte qui se lit lentement, parce qu'il a la grâce. Une traversée solitaire douce et attentive de ces chemins de l'île où s'échange la douleur contre la force de la nature offerte. La terre devient alors écrin de la solitude, attente, miroir d'angoisse, creux et pierres où poser sa supplication, murmure traversant saisons et paysages. Émerveillement sacré réveillant les mythes qui viennent du fond des temps, paganisme antique des grigris, des sortilèges. Mais aussi bain de lumière, de rumeurs, accordant la houle de la mer omniprésente à celle de l'encre. Le regard de la poète fouille le maquis pour retrouver la vie, celle des bêtes, des plantes, des hommes et des femmes de l'île. « Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. » Carnets de Marche est un livre incandescent, flamboyant, d'une nudité intense et d'une grande finesse psychologique. Tout de l'âme de la marcheuse y est interrogé. « Résister à la tentation de la voix. Me retirer sans faire de bruit. Vivre mes souffrances et mes deuils dans ma seule chair, mes sanglots dans ma seule voix. » Les voix multiples de la narratrice balisent cet itinéraire spirituel né du décalage existentiel entre habiter, vivre là et être ailleurs... « Solitude des seuils »... matière de songes mêlant fantasmes et réalité. C'est d’une écriture porteuse du temps qu’elle a besoin pour cicatriser, un temps analgésique. De page en page, elle nous mène sur son chemin de renoncement qui ouvre à la beauté du monde, éprouve, se découvre... « ...reconstruire l'ordre immuable des choses réapprendre le silence les gestes de l'oubli les paroles apaisées allégées du trop-plein des mots ranger l'autre qu'on a aimée la coucher la plier sans faux plis aux côtés de ceux qui ont déjà une place dans ton cimetière intérieur... » Quête de l'indicible. Ce livre ennoblit tant il est pur, tout en nuances. Une écriture de violoncelle. Silence de l'être qui effleure les mots ou les pétrit d'une sensualité toute méditerranéenne, ou d'un érotisme radieux quand l'écriture s'attarde dans les clairières amoureuses de la mémoire. Autopsie d'une âme, d'un amour, d'un rêve... qui s'effiloche en ces derniers mots comme une laine de mouton sur un cœur barbelé, celui de l'absente au loin allée... : « Mon chagrin mon chagrin m'a fui cette nuit s'en est parti ai entendu senti compris que mon chagrin était enfui Lundi mardi vendredi mon chagrin s'en est parti parti au-delà des jours et des nuits uits uits. » Christiane Parrat D.R. Texte Christiane Parrat * * Cette recension a été publiée dans la revue Le Quai des Lettres, La Rochelle, septembre 2010, n° 22/23, page 23 [directeur de publication : Denis Montebello]. Pour faire l'achat de cet ouvrage, cliquer ICI. |
Magnifique ! Le voici donc. Vite une commande. Merci pour ce cadeau qui arrive avec la saison du lire sans entrave, parce que les heures sont longues et propices à la lecture.
Rédigé par : christiane | 28 juillet 2010 à 17:34
Oui, Christiane, c'est vrai, nous attendions ces Carnets. Et, après les avoir lus dans leur version définitive, j'ai compris que ces Carnets de Marche étaient aussi des Carnets de Marches, des carnets de frontières. Toujours sur le fil. Fascinante "funambule des deux rives" qu'Angèle.
Rédigé par : Yves | 29 juillet 2010 à 00:28
Cher Yves,
tout d'abord merci pour cette magnifique mise en page du livre. Ces carnets - dont j'ai lu les premières pages sur ce site, il y a quelques mois - ont été "saisis" par un éditeur. De eux au livre il y a, je suppose, un travail d'élagage magnifiant l'écriture d'Angèle et j'attends de recevoir l'exemplaire que j'ai commandé pour juger de leur rencontre et lire comme on découvre.
Toutefois, je n'oublie pas que cette écriture est née en marchant, sur de vrais carnets, dans la peau de cette île qu'elle aime tant. Terre, bêtes, plantes et mer ont été, je crois, sève nourricière dans ce passage de solitaire questionnement et ce crayon a dû inscrire, mot après mot, ces "marches" vers un seuil "où orée entend bouche d'encre, creux d'orages" comme elle l'a écrit dans ce si lourd et grave poème "Orée".
Vous êtes, ensemble, "Labyrinthe d'échos du dehors du dedans", funambules accordés et c'est beau.
Rédigé par : christiane | 29 juillet 2010 à 09:02
Bravo Angèle ! Contente pour toi.
(et merveilleuse déclaration d'amour d'Yves)
Rédigé par : Pascale Arguedas | 31 juillet 2010 à 00:06
Angèle !
Merveille de t'apercevoir à Sète de dos sur un livre, puis deux...
Les éditions de l'Aresquier, et les Carnets ! Quelle secrète amie...
Vite à mon tour une commande...
Je t'embrasse !
Sylvie
Rédigé par : sylvie durbec | 01 août 2010 à 17:00
Oui, moi aussi j'ai apprécié de voir tes livres, chère Angèle, de parler avec tes éditeurs. Félicitations pour ces beaux ouvrages.
Rédigé par : Josyane De Jesus-Bergey | 01 août 2010 à 23:54
Reçu, ce jour, les Carnets de Marche. Emotion d'ouvrir ce très beau livre, élégant, sobre. Bien aimé la photographie en bandeau de Guidu Antonietti di Cinarca sur la couverture. J'ouvre. Papier lisse. Bel agencement des textes. Lettrines superbes. Numérotation comme des gouttes d'eau...
Passée cette émotion face à l'objet-livre, très beau - Bravo à l'éditeur (Véronique et David Zorzi) des Editions du Petit Pois - j'entre en lecture... Dédicace mystérieuse...
Les dates ne classent plus les textes.
"Cinq ans bientôt. Et c'est déjà la fin...."
Chut ! je lis... et c'est une parole venue de si loin qu'il faut faire silence... Comme c'est beau...
Rédigé par : christiane | 02 août 2010 à 13:23
"La pierre à palabres" je ne m'en lasse pas, c'est tout l'esprit des bergers corses et des griots de l'Afrique réunis et les ruches évoquées seraient le bruissement de ces paroles aussi essentielles que folles et les grottes l'esprit qui les "réverbère" à travers les âges.
Rédigé par : André Chenet | 02 août 2010 à 13:46
De quoi faire regretter de n'être pas présente à Sète, mais désir impatient et dans le même temps en amont savourer ces "Carnets". Avec toute mon attention, chère Angèle. Anne-Lise
Rédigé par : anne-lise blanchard | 04 août 2010 à 10:53
Ah, je vais essayer de le commander, espérant qu'il m'arrive et que je puisse le lire en continu. J'avais fort apprécié les extraits publiés sur le site l'été dernier. Champagne donc pour ce livre.
Rédigé par : florence Noël | 08 août 2010 à 22:55
Sur Fine Stagione, une lecture («Le sentier introuvable») d'Emmanuel F. sur les Carnets de Marche.
Rédigé par : Le Webmestre de TdF | 12 août 2010 à 19:18
Extraordinaire lecture des Carnets de Marche d'Angèle, écrite par Emmanuel. F sur Fine Stagione. Et tous ces liens, photos d'Angèle, une merveille ! Je découvre tant de pages inexplorées parce que la topographie ne m'était pas familière. J'aime aussi qu'il ait fait un arrêt sur tous les livres qui hantent la mémoire de la marcheuse du "Sentier introuvable"...
Cheminer dans ce blog somptueux, que de musique et de beauté, qui rendent tout simplement HEUREUX !.
Rédigé par : christiane | 13 août 2010 à 03:09
...presque tous les livres, ma chère Christiane. Il y en a au moins un qui a échappé : les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar.
Rédigé par : Yves | 13 août 2010 à 05:12
Angèle lira des extraits des Carnets de Marche à La Petite Librairie des champs de Boulbon les samedi et dimanche 25/26 septembre 2010 :
- le samedi de 18 heures à 19.30... aux côtés de Marielle Anselmo, de Nathalie Riera et d'Hélène Sanguinetti
- le dimanche à 16.30 aux côtés de Nathalie Riera.
Le Moulin Brûlé
13150 Boulbon
France
http://lapetitelibrairiedeschamps.blogspot.com
Rédigé par : Le webmestre de TdF | 07 septembre 2010 à 11:03
Je serai au rendez-vous à Boulbon.
Les Carnets sont commandés, leurs extraits trouvent un écho...
Amitié,
Sylvie Saliceti
Rédigé par : Sylvie Saliceti | 08 septembre 2010 à 08:21
Une note de lecture de François-Xavier Renucci sur les Carnets de marche dans le blog Pour une littérature corse.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 30 septembre 2010 à 09:52
Ce jour,
sur Poezibao, une lecture des Carnets de Marche par Sylvie Fabre G.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 07 octobre 2010 à 12:32
Ce soir, dans Les Carnets d'Eucharis de Nathalie Riera, une lecture des Carnets de Marche par Tristan Hordé
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 09 octobre 2010 à 23:06
Chère Angèle,
Aujourd'hui je me suis astreinte à décrocher des contraintes quotidiennes. C'était un jour de dimanche gris pluie qui m'engageait à aller à un essentiel plus intériorisé. Devant la pile impressionnante (plus de 50 !) livres en retard de lecture sur une étagère, j'ai pris le vôtre et n'en suis sortie qu'à l'instant. Votre Carnets de marche m'a happée littéralement. Je ne saurais vous dire dans le détail tout ce que j'y ai vu et senti, vous dire simplement que ce fut multitude et écho.
Je vous écris pour vous dire cette émotion vive, vivante, palpitante, poignante, précise comme une lame, qui attise votre livre ; la douleur intime à la douleur, sensation reconnue comme la pointe d'un aigu porté déjà en soi. Votre écriture sobre, précise, débarrassée d'effets superflus, une façon d'être austère et nuancée, oui, j'ai vraiment beaucoup aimé vos marches à l'intérieur de l'extérieur ou le contraire. La puissance du souffle jusqu'à l'apnée.
J'ai lu d'un coup. Je relirai, pour reprendre haleine, tranquillement. Ce fut un grand moment que cette lecture, je ne connais pas la Corse, mais je l'ai rencontrée. Je ne vous connais pas mais je vous ai rencontrée. Merci Angèle.
En toute amitié,
Ile
Rédigé par : Ile E. | 01 novembre 2010 à 00:43
Ode à l’imperceptibilité tangible du tourment de l’Amour qui vient cicatriser aux vertus de la Nature. Devant Elle, devant la mer, l’être reprend conscience de l’infiniment petit et faillible qu’il est réellement, un maillon entre les amours défaites et l’espérance, essence intemporelle de survie.
La douleur prend la mesure, dans le questionnement des éléments, de sa relativité de fine entaille sur la peau du monde. Elle devient plus spirituelle, plus aérienne, devant l’immensité.
Bien sûr, à moindre échelle, lorsqu’on revient à sa table de travail, devant sa glace, un élancement, une brûlure commettent-ils encore quelque méfait. Il ne tient qu’à nous alors d’imaginer droit devant un horizon marin lavé des embruns, de nous conduire à l’évidence « qu’avec le temps, va, tout s’en va… », que demeurera la Passion, en d’autres flammes, puisque le lendemain toujours, se lève le soleil sur la ligne de vérité.
Telle est l’ode des marches, et de ses transcriptions pour corps et âmes.
Rédigé par : Martine | 07 décembre 2010 à 09:28
Dans le numéro 2 de Levure littéraire, une note de lecture de Cécile Oumhani sur les Carnets de Marche.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 12 janvier 2011 à 23:13